Edward Sarboni — Sur Cronstadt

Edward Sarboni
Sur Cronstadt
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Ce texte inédit a été rédigé suite à une discussion sur un forum internet, faisant état de la parution d'une brochure du CERMTRI (Centre d'études et de recherches sur les mouvements trotskystes et révolutionnaires internationaux), officine éditoriale lambertiste proche du PT (Parti des travailleurs) — la revue incriminée est "les cahiers du CERMTRI n°110 - Cronstadt 1921, documents".
Edward Sarboni est historien et membre de la CGA (Coordination des groupes anarchistes)
Introduction
Qui était Petrichenko ?
Prolégomènes à Cronstadt
Les événements
Du débat des idées
(communisme libertaire et soviet ou communisme autoritaire et dictature)
Quelques certitudes
Conclusion
Bibliographie sommaire
Introduction

Lors d’un «récent  échange sur le  Net» [1] , à propos de la révolte de Cronstadt en 1921, un «soldat du trotskisme» a refourgué, d’une manière  polémique  et fort peu sérieuse, un faux document digne de la pire ère stalinienne. Il tentait, ce faisant, de dédouaner son idole, Léon Davidovitch Bronstein, lequel s’est illustrée en envoyant des troupes massacrer un soulèvement populaire.

Cela relève d’un probable entêtement idéologique, dès lors que de telles assertions mensongères et  «arguments» ineptes ont été servis du vivant de Trotsky et Lénine, puis plus tard, par Trotsky alors qu’il se trouvait en disgrâce et... qu’aujourd’hui on tente encore de nous les faire avaler !

Ne pouvant opposer aucun contre argument honnête, ce «militant des mauvaises causes» essaie de salir un des protagonistes de l’époque, Petrichenko, le Président élu du Comité Révolutionnaire Provisoire de Cronstadt…

Accuser Pétrichenko d’être en quelque sorte une marionnette de la réaction et de l’étranger, un traître à la solde la contre-révolution..., en produisant un courrier qui n’a jamais existé, un faux créé de toute pièce pour discréditer et l’homme et la révolte populaire, voilà bien les méthodes de la Tcheka !

Pour éclairer le débat et faire taire, une fois pour toutes les thuriféraires du «vieux» [2] qui déversent des saloperies, nous rapportons ici des propos, analyses, citations, témoignages tirés d’une bibliographie non exhaustive, mais relativement bien documentée sur le sujet qui nous intéresse.

Nous avons pu opérer des recoupements, des mises en perspective et ainsi nous avons défini de la manière la plus objective possible, la genèse des événements de Cronstadt, la réalité du «pouvoir bolchevik» et la part de responsabilité qui incombe directement aux communistes autoritaires, Lénine et Trotsky en tête et celle du marxisme, dans son application (praxis) en tant que communisme bureaucratique d’Etat/ou d’appareil…

Au bout du compte, la claire certitude que Staline n’a fait que poursuivre, appliquer, amplifier même un système, des méthodes, une politique, largement implantés et imposés aux «masses» dès 1918, s’imposera aux lecteurs qui ne partent pas sur des a priori sectaires…

La formule «dictature du prolétariat» est en fait l’accouchement fait «aux forceps» d’une réalité historique  toute autre : la «dictature SUR le prolétariat»!

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QUI ETAIT PETRICHENKO ?

Afin d’entrer dans le vif du sujet et avant même d’argumenter, nous allons donner la parole à celui qui est faussement accusé ici…

Voici le témoignage [3] de Pétrichenko, tiré d’un article publié dans la revue des socialistes-révolutionnaires de gauche Znamia Borby, de janvier 1926, dont nous citerons les principaux passages :

« J'ai lu la correspondance échangée entre l'organisation des socialistes révolutionnaires de gauche d'une part et les communistes anglais de l'autre. Dans cette correspondance il est aussi question de l'insurrection de Cronstadt de 1921...

« En tant que président de la révolte de Cronstadt j'estime de mon devoir moral d'éclaircir brièvement cet événement devant le bureau politique du Parti communiste anglais. Je sais que vous êtes informés par Moscou, et je sais aussi que ces informations sont unilatérales et de parti pris. Il ne serait pas mauvais que vous entendiez également l'autre son de cloche.

...Vous avez reconnu vous-mêmes que l'insurrection cronstadienne de 1921 n'a pas été inspirée du dehors ; autrement dit cela signifie que la patience des masses laborieuses — marins, soldats rouges, ouvriers et paysans — était arrivée à sa dernière limite.

La colère populaire contre la dictature du Parti communiste ou plutôt contre sa bureaucratie a pris la forme d'une insurrection ; c'est de cette façon que commença l'effusion d’un sang précieux ; il n’était pas question de différence de classe ou de caste ; des deux côtés de la barricade se dressaient des travailleurs. La différence consistait seulement en ce que les Cronstadiens marchaient consciemment et sans contrainte tandis que les assaillants étaient trompés par les dirigeants du Parti communiste et menés par la force. Je suis prêt à vous dire plus : les Cronstadiens n'avaient aucun goût à prendre les armes et à verser le sang !

Et bien, que se passa-t-il donc pour que les Cronstadiens aient été forcés de parler la langue des canons avec les dictateurs du Parti communiste, qui se nomme «gouvernement ouvrier et paysan» ?

Les marins de Cronstadt ont pris une part active à la création de ce gouvernement : ils l'ont protégé contre toutes les attaques de la contre-révolution : ils gardaient non seulement les portes de Petrograd — le cœur de la révolution mondiale — mais ils ont encore formé des détachements militaires pour les innombrables fronts contre les gardes blancs en commençant par Kornilov et en finissant par les généraux Youdiénitch et Nekllioudov. Ainsi ces mêmes Cronstadiens seraient tout d’un coup devenus des ennemis de la révolution ; le gouvernement «ouvrier et paysan» les a présentés comme des agents de l’Entente, espions français, soutiens de la bourgeoisie socialistes révolutionnaires, mencheviks, etc, etc. Il est étonnant que les Cronstadiens soient brusquement devenus des ennemis dangereux pratiquement au moment où tout danger du côté des généraux de la contre-révolution armée avait disparu ; justement quand il fallait commencer la reconstruction du pays, cueillir les fruits des conquêtes d’Octobre, quand il fallait montrer la marchandise sous son véritable aspect, étaler son bagage politique (car il ne suffisait plus de promettre, il fallait encore tenir ses promesses), quand il fallait établir le bilan des conquêtes révolutionnaires auxquelles personne n’osait même rêver durant la période de la guerre civile, c’est juste à ce moment que les Cronstadiens seraient apparus comme des ennemis ? Quel crime Cronstadt a-t-il donc commis contre la révolution ?

Après la liquidation des fronts de la guerre civile les ouvriers de Petrograd ont cru pouvoir rappeler au soviet de cette ville que le temps était venu de penser à leur situation économique et de passer du régime de guerre au régime de paix.

Le soviet de Petrograd estima que celte revendication à la fois inoffensive et indispensable des ouvriers était contre-révolutionnaire. Il est resté sourd et muet en présence de ces revendications, il a commencé des perquisitions et des arrestations parmi les ouvriers, en le déclarant espions et agents de l’entente. Ces bureaucrates se sont corrompus pendant la guerre civile lorsque personne n’osait résister. Mais ils n’ont pas vu que la situation avait changé. La réponse des ouvriers fut la grève. La fureur du Soviet de Petrograd fut alors celle d’un animal féroce. Aidé de ses opritchniks [4] il tenait les ouvriers affamés et épuisés dans un cercle de fer et les contraignait par tous les moyens à travailler. Les formations militaires (soldats rouges et marins) malgré leur sympathie envers les ouvriers n'osaient se dresser pour leur défense, car les gouvernants les avertissaient que Cronstadt s'attaquerait à tous ceux qui oseraient s’opposer au gouvernement des soviets. Mais cette fois-ci le gouvernement « ouvrier et paysan» n'a pas réussi à spéculer sur Cronstadt. Grâce à sa disposition géographique, à la proximité de Petrograd, Cronstadt avait tout de même appris, quoique avec un certain retard, le véritable état des choses dans cette ville.

Ainsi, camarades anglais, vous avez raison quand vous dites que la révolte de Cronstadt n'a été inspirée par personne.

Et je voudrais encore savoir en quoi s'exprimait le soutien des organisations contre-révolutionnaires russes et étrangères aux Cronstadiens ? Je répète encore une fois que la révolte ne s'est pas déclenchée de par la volonté d'une organisation politique quelconque ; et je pense qu'elles n'existaient d'ailleurs même pas à Cronstadt. La révolte éclata spontanément, de par la volonté des masses elles-mêmes, tant de la population civile que de la garnison. Nous le voyons dans la résolution adoptée et d'après la composition du Comité révolutionnaire provisoire. On ne peut y remarquer l’impression prépondérante de la volonté d'un parti politique antisoviétique quelconque. De l'avis des Cronstadiens, tout ce qui se passait et se faisait était dicté par les circonstances du moment. Les insurgés ne mettaient leurs espoirs en personne. Ni au Comité révolutionnaire provisoire, ni aux assemblées des délégués, ni aux meetings, ni ailleurs il n'en fut jamais question. Le Comité révolutionnaire provisoire n'entreprit jamais rien dans cette direction, bien qu'une pareille possibilité existât. Le Comité tentait d'accomplir strictement la volonté du peuple. Etait-ce un bien ou un mal ? Je ne peux le juger, mais la réalité est que la masse dirigeait le Comité et non pas ce dernier la masse. Il n'y avait pas parmi nous de militants politiques renommés qui voient tout à trois archines [5] sous terre, et qui savent tout ce qu'il faut entreprendre pour en extraire tout ce qui est utile.

Les Cronstadiens ont agi sans plan ni programme, uniquement en tâtonnant, dans les limites des résolutions et selon les circonstances. Coupés du monde entier, nous ignorions ce qui se passait en dehors de Cronstadt, aussi bien en Russie soviétique qu’à l'étranger. Il est possible que certains aient pu établir des perspectives pour notre insurrection comme cela se passe d'habitude, mais dans notre cas, c'était peine perdue. Nous ne pouvions pas faire d'hypothèses à propos de ce qui se serait produit au cas où les événements auraient pris une autre tournure, car l'événement aurait pu être tout autre que celui auquel nous pensions. Mais les Cronstadtiens n'avaient pas l'intention de laisser échapper l'initiative d'entre leurs mains.

Les communistes nous ont accusés dans leur presse d'avoir accepté l'offre de vivres et médicaments de la part de la Croix Rouge russe résidant en Finlande. Nous devons dire que nous n’avions vu rien de mal dans pareille offre. Nous avons eu en cela l'accord non seulement de tout le Comité révolutionnaire provisoire, mais aussi de l'Assemblée des délégués. Nous avons considéré cette organisation comme purement philanthropique nous proposant une aide inoffensive et sans arrière-pensée. Quand nous avons décidé de laisser entrer à Cronstadt la délégation (de la Croix rouge) nous l'avons conduite à l'état-major les yeux bandés. A la première séance, nous leur avons déclaré que nous acceptions avec reconnaissance leur aide, comme provenant d'une organisation philanthropique, mais que nous nous considérons libres de tout engagement envers eux. Nous avons satisfait à leur demande de laisser un représentant permanent à Cronstadt pour veiller à la distribution régulière des vivres que leur organisation se proposait de nous envoyer et qui auraient été destinés surtout aux femmes et aux enfants. C'est le capitaine Vilken [6] qui resta à Cronstadt ; il fut logé dans un appartement gardé en permanence pour qu'il ne puisse pas faire le moindre pas sans autorisation. Quel danger ce Vilken présentait-il ? Il pouvait voir uniquement l'état d'esprit de la garnison et de la population civile de Cronstadt.

Est-ce en cela que consistait l'aide de la bourgeoisie internationale ? Ou dans le fait que Victor Tchernov avait envoyé son salut à Cronstadt insurgé ? Etait-ce là le soutien de la contre-révolution russe et internationale ? Peut-on croire vraiment que les Cronstadiens se jetaient dans les bras de tout parti politique antisoviétique ?

En effet, quand les insurgés apprirent que la droite dressait des plans concernant leur insurrection, ils n'hésitèrent pas à prévenir leurs camarades, comme en témoigne l'article du 6 mars des Izvestia de Cronstadt intitulé "Messieurs"  ou "Camarades"»

Pétrichenko, sous la plume de Victor Serge [7], est décrit comme un des leaders insurgés un «...des inconnus de la veille, sortis du rang (…) » qui est «peut-être vivant(...)» Il n’est nullement question d’un homme militant pour l’édification d’un État de dictature militaire, au besoin en s’alliant au général «Blanc» Wrangel…

Victor Serge ajoute que Petrichenko «se réfugia d'abord en Finlande...», nous fournissant là une simple information à propos d’un des leaders qui parvint ainsi à échapper au «massacre» organisé par l’armée rouge et le pouvoir bolchevik.

C’est dans les Izvestias de Cronstadt du 3 mars 1921 [8] que le nom de Pétrichenko apparut en tant que Président du C.R.P. (Comité Révolutionnaire Provisoire), signataire avec Toukine, d’une adresse datée du 2 mars, «A la population de forteresse et de la ville de Cronstadt». Il y est question «d’élection juste et honnête d’un nouveau soviet» et de la création d’un «nouveau régime socialiste, celui de tous les travailleurs...».

Entre le jeudi 3 et le mercredi 16 mars, dans les Izvestia, les diverses déclarations de Pétrichenko, ne laissent aucunement supposer les assertions mensongères faites à son encontre par le pouvoir bolchevik. Bien au contraire !

Le 5 mars il y est écrit : «On apprit ainsi que les communistes maintenaient la population laborieuse dans une ignorance totale des événements de Cronstadt. Partout ils font courir le bruit que Cronstadt est aux mains d'une bande de gardes blancs et de généraux...». Dans le même temps on apprend qu’à Petrograd, dès le 4 mars, la ration de pain a été diminuée de trois quarts de livre pour deux jours... par les autorités soviétiques !

Dans les Izvestia du 8 mars, Le CRP communique que la veille, à 18h45, les batteries communistes ont, les premières, ouvert le feu sur les forts de Cronstadt.

L’allusion aux informations erronées et infamantes provenant du pouvoir bolchevik figure en bonne place : «Leurs journaux infâmes cherchent par tous les moyens à exciter contre les masses populaires, et à faire apparaître le mouvement de Cronstadt comme un soulèvement de gardes blancs...» «vendu à la Finlande».

Dans les Izvestia du samedi 12 mars, le compte-rendu de la réunion des délégués qui s’est tenue la veille nous renseigne sur la composition du C.R.P. :

«Les communistes insinuent que des généraux, des officiers blancs et un curé se trouvent parmi les membres du C.R.P. Afin d'en finir une fois pour toutes avec ces mensonges, nous portons à la connaissance, que le comité est composé des 15 membres suivants : 1/ Pétrichenko, premier écrivain à bord du Petropavlosk. 2/ Yakovenko, téléphoniste du district de Cronstadt. 3/ Ossossok, mécanicien du Sébastopol. 4/Arshipoff, quartier-maître mécanicien. 5/ Pérépelkine, mécanicien du Sébastopol. 6/ Patrouchev, quartier-maître mécanicien du Petropavlosk. 7/ Koupoloff, premier aide mécanicien. 8/ Vershinine, matelot du Sébastopol. 9/ Toukine, ouvrier électricien 10/ Romaneko, garde des chantiers de réparation des navires 11/ Oréchine, employé de la troisième école technique. 12/ Valk, ouvrier charpentier. 13/ Palvoff, ouvriers des ateliers aux mines marines. 14/ Baïkoff, barretier. 15/ Kilgast, timonier.»

On ne trouve trace, au sein de cette liste, d’une quelconque représentation bourgeoise ou contre-révolutionnaire. Il s’agit encore moins d’un repaire d’officiers issus de l’aristocratie, œuvrant en sous-mains pour un pouvoir «blanc».

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PROLEGOMENES A CRONSTADT

Victor Serge dans son livre «Mémoires» aborde la période du début des années «Vingt», période qu’il qualifie de «communisme de guerre». Il définit ce concept suivant six grandes lignes :

  1. réquisitions dans les campagnes
  2. rationnement implacable de la population des villes
  3. «socialisation» complète de la production et du travail
  4. répartition paperassière extrêmement compliquée des derniers stocks d’articles manufacturés
  5. monopole du pouvoir avec tendance au parti unique et à l’étouffement de toute dissidence
  6. état de siège et Tcheka...
Victor Serge reconnaît que l’hiver infligeait à la population des villes un véritable supplice entraînant la mort par milliers des enfants, des vieillards et des êtres les plus faibles.

Au moment où se déroule le IIème congrès de l’Internationale, entre le 19 juillet et le 7 août 1920, ce même Victor Serge, dresse un tableau de l’anarchisme en Russie qui peut laisser perplexe : «... Au total, un lamentable chaos de bonnes volontés sectaires. Au fond, une doctrine beaucoup plus affective que pensée...»

Dans la Préface du livre de Victor Serge, le tournant obscur [9], Madeleine Paz cite Georges Duhamel : «Victor Serge avait étudié sans réserve le communisme marxiste. Il en parlait avec une ferveur clairvoyante, non point austère, mais vraiment loyale et humaine qui forçait l'estime... Pendant ces quelques jours de Leningrad, Victor Serge a rendu à la Russie soviétique un service non médiocre : il lui a prêté — du moins à mon regard — un visage vraiment sage, humain, respectable».

Madeleine Paz ajoute : «En mars 1921, la secousse de Cronstadt passe sans l'ébranler. Il continue de collaborer aux publications de l'Internationale...».

Au début de 1921, la situation économique était bloquée dans les capitales russes. Il en allait ainsi à Moscou et à... Petrograd où les trains ne circulaient plus et les usines étaient fermées ou bien elles tournaient au ralenti. La situation sociale était explosive. Un rapport du département de la Tcheka, le 16 janvier 1921, concluait ainsi : «Le mécontentement est général (...) En milieu ouvrier on prédit la chute prochaine du régime (...) les gens ont faim. Des grèves de grande ampleur sont imminentes. Les unités de la garnison de Moscou sont de moins en moins sûres...» [10].

Le 21 janvier, un décret gouvernemental ordonnait la réduction d’un tiers, pour le lendemain, des rations de pain, à Moscou, Petrograd, Ivanonvo-Voznessensk et Cronstadt.

Cette mesure va intervenir dans un contexte où il n’est plus possible, pour le régime, d’arguer du danger contre-révolutionnaire. De fin janvier à la mi-mars 1921, des grèves, des meetings de protestations, des manifestations, des occupations d’usines vont se succéder au quotidien.

A Petrograd des troubles vont prendre une ampleur nouvelle à partir du 22 février. Les ouvriers élisent, comme en mars 1918, une «assemblée de plénipotentiaires ouvriers» à forte coloration menchevik et socialiste révolutionnaire. «Dans sa première proclamation, cette assemblée exigea l'abolition de la dictature bolchevique, des élections libres aux soviets, les libertés de parole, d'association, de presse, et la libération de tous les prisonniers politiques...» [11].

L’assemblée appela à la grève générale !

Dans les régiments des meetings vont se tenir pour apporter leur soutien aux ouvriers.

Le 24 février des détachements de la Tcheka ouvrent le feu une manifestation ouvrière tuant 12 ouvriers. Prés d’un millier d’ouvriers et de militants socialistes vont être arrêtés…

Dans son journal, Alexandre Berkman [12] nous précise que, dès les premiers jours de 1921, les fronts militaires ont été liquidés. La guerre civile est à bout, et le pays pousse un soupir de soulagement. L’Entente a cessé de financer la contre-révolution. Dans le même temps, la militarisation du travail chère à Trotsky ayant échoué, en entraînant misère, démoralisation et désorganisation, une question va déchirer le parti : quel est le rôle à attribuer au prolétariat?...

Lénine soutient que les syndicats ne sont pas préparés pour diriger les industries : leur mission principale consiste à servir «d'écoles du communisme». Zinoviev et ses partisans font cause commune avec Lénine et donnent des détails sur ses idées. Mais Trotsky est d’un avis différent ; il insiste sur le fait que les ouvriers seront encore longtemps inaptes à diriger les industries. Il exige un «front ouvrier» soumis à la discipline de fer d’une campagne militaire.

S’opposant à cette idée, les éléments ouvriers préconisent la démocratisation immédiate du régime industriel. Ils soutiennent que l’exclusion des syndicats d’un rôle décisif dans la vie économique est la cause réelle de la situation déplorable.

Berkman précise que beaucoup d’anarchistes ont été arrêtés à Kharkov à la veille de leur conférence, celle-ci ayant été annulée par le pouvoir. Ils sont conduits à Moscou et emprisonnés à Butirki ou dans les geôles de la Tcheka. On y trouve Voline, A. Baron, Léa etc…

Le 27 février 1921, Berkman écrit que plusieurs usines de Petrograd ont cessé le travail. Les grévistes sont accusés d’être des traîtres à la révolution. Le 28 février, des publications de grévistes circulent, publications dans lesquelles les exigences principales concernent les besoins de vêtements d’hiver et la distribution plus régulière des rations alimentaires. Zinoviev soutient que tous les ennuis sont dus à des complots des Mencheviks et des socialistes révolutionnaires de gauche…

Parmi les revendications les ouvriers exigent «la libération de tous les travailleurs socialistes et ceux qui ne sont pas inscrits au parti ; l'abolition de la loi martiale ; la liberté d'expression, de presse et de réunion pour tous ceux qui travaillent ; des élections libres des comités d'ateliers et d'usines et de représentants syndicaux et du soviet»...

Le 1er mars beaucoup d’arrestations ont lieu. Des groupes de grévistes entourés par des tchékistes sont conduits en prison. Zinoviev s’alarme et télégraphie à Moscou «que la garnison locale sympathise avec les grévistes».

Arthur Rosenberg [13] brosse un tableau intéressant de la période qui précède les événements de Cronstadt. Il écrit à propos de Lénine, qu’en 1920, celui-ci (et le parti bolchevik) «... ne tenaient pas du tout à assumer la direction morale de la classe ouvrière internationale. »... Ils désiraient, en fait, voir triompher rapidement la révolution socialiste dans quelques-uns uns des grands pays d’Europe…

Le parti, dans ces pays, se devait de prendre pied dans les associations syndicales déjà existantes. A la suite, ces syndicats devaient fonctionner sous la conduite du parti communiste. Ceci explique, en partie, pourquoi Lénine s’opposait à «l'extrémisme utopique» et luttait «contre certaines idées syndicalistes». Précisons que les idées d’indépendance, d’autonomie et l’anti-étatisme prônées par les organisations syndicales étaient considérées comme contre-révolutionnaires par les Bolcheviks. L’anarcho-syndicalisme et le syndicalisme révolutionnaire devenaient des théories bourgeoises et sectaires sous la plume des tenants du communisme marxiste et autoritaire.

Pour Lénine, au cours de l’année 1920, «la révolution mondiale n’est pas une affaire exclusive du prolétariat...». C’est plutôt «... le soulèvement démocratique de l’humanité contre l’impérialisme» qu’il appelle alors de ses vœux.

Pour les Bolcheviks «l’organe essentiel d’un parti prêt au combat (était) une direction forte et combative. Pour réaliser celle-ci il fallait écarter sans pitié, des postes de commande, tous ceux dont on pouvait craindre, dans la révolution la moindre hésitation».

Pour constituer ou reconstituer «l’union indissoluble du prolétariat avec ses vrais chefs», «le parti peut renoncer, d’un cœur serein, à quelques milliers de membres radicaux, de gauche, pourvu qu’il continue de garder le contact avec des millions de travailleurs».

Au moment de l’adhésion à la IIIème Internationale, avant le IIème congrès de l’Internationale communiste, les 21 conditions qui vont être édictées révèlent l’esprit de celle-ci. La IIIème Internationale se veut la seule organisation dirigeante de la révolution socialiste dans le monde. La politique réelle de l’Internationale communiste est déterminée, directement et sans réserve, par les représentants du parti russe !

L’hiver 1920-1921 fut particulièrement dur et difficile pour la Russie soviétique, nous révèle Rosenberg. La fin de l’état de guerre n’avait pas amené d’amélioration dans la situation du peuple russe. La famine régnait dans les campagnes. Les ouvriers souffraient de faim, de froid et de privation de liberté. Les masses populaires commencèrent alors à exiger du gouvernement des actes réels.

Dans un empire de 130 millions d’habitants, le parti communiste comptait en 1920 environ 600 000 membres. Les syndicats comptaient environ 6 millions de membres, dont 1 million étaient des ouvriers d’usines. Pour beaucoup, les ouvriers auraient d’avantage de quoi manger, se chauffer etc... si les syndicats avaient leur mot à dire dans l’Etat.

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LES ÉVÉNEMENTS

Dans la nuit du 28 février 1921, Victor Serge est réveillé par un coup de fil en pleine nuit. «Une voix tremblante lui dit, Cronstadt est au pouvoir des Blancs. Nous sommes tous mobilisés...». La voix est celle de Ionov, le beau-frère de Zinoviev.

Au petit matin des affiches sur les murs proclament que «... par complot et trahison, le général Kozlovski s'était emparé de Cronstadt et appelait le prolétariat aux armes...»

Victor Serge précise, qu’avec ses amis du groupe communiste de langue française de Moscou — Marcel Body, Georges Hellfer etc. — ils décidèrent de ne pas prendre les armes ni de se battre contre des grévistes affamés ni contre les marins à bout de patience...

Des tracts distribués dans les faubourgs firent connaître les revendications de Cronstadt que Victor Serge résume ainsi :

Pour Victor Serge les coupables furent Kalinine et Kouzmine lesquels, reçus par la garnison de Cronstadt et informés des revendications des marins, les traitèrent de vauriens, d’égoïstes, de traîtres et les menacèrent de châtiment.

C’est même très probablement Kalinine, Président de l’exécutif de la République, qui créa de toute pièce la légende du «général Blanc Kozlowski» à la tête de la révolte de Cronstadt.

Victor Serge émit l’idée d’une médiation possible avec des anarchistes américains présents en Russie — A. Berkman, E. Goldman — et le jeune anarchiste russe Perkus. Les quelques camarades du parti auprès desquels il fit cette proposition lui rétorquèrent que «... ça ne servira à rien. Et nous sommes, et tu es, tenus par la discipline du parti»...

Après bien des hésitations et une angoisse inexprimable, Victor Serge et ses amis communistes «se prononcèrent finalement pour le parti» !

C’est probablement ce que Madeleine Paz a considéré comme un non-ébranlement de Victor Serge dans la période.

Pourtant, l’épilogue de l’affaire, tel que le décrit Victor Serge, nous éclaire sur les «limites» du système bolchevique. En effet le Bureau politique «décida de négocier avec Cronstadt, puis de lui adresser un ultimatum, et en dernier recours de donner l'assaut à la forteresse et aux cuirassés de la flotte immobilisés par la glace...»

Et Victor Serge de préciser, « A la vérité il n'y eut pas de négociation. Un ultimatum signé de Lénine et Trotsky fut affiché, conçu en termes révoltants : "Rendez-vous ou vous serez mitraillés comme des lapins."»

Au début de mars, l’armée rouge déclencha sur la glace une attaque contre Cronstadt et la flotte…

Dans le même temps, au cours du Xème congrès du parti communiste de Russie, réuni à Moscou, était proclamée, sur propositions de Lénine, l’abolition du régime des réquisitions, c’est-à-dire en grande partie celle du "communisme de guerre". La N.E.P. était née !

Victor Serge ajoute «... toutes les revendications économiques de Cronstadt étaient satisfaites».

Dominique Desanti [14] écrit que le 17 février 1921 «les illustres marins de la garnison de Cronstadt, les sauveurs de la marche sur le palais d'hiver, les hommes du croiseur Aurore ont rassemblé dans l'île un congrès de soldats, d'ouvriers, d'habitants, distribué des armes et fait voter le rétablissement de la liberté de parole, de presse, de réunion, "plus de pain et de démocratie "». Dominique Desanti ajoute, qu’exaltés par la fièvre de la faim, les discours atteignent au «délire».

L’assaut final contre Cronstadt fut déclenché le 17 mars par Toukhatchevshi. Des révoltés moururent aux cris de «Vive la révolution mondiale». Des centaines de prisonniers furent remis à la Tcheka qui les fusilla par petits paquets…

Les Izvestias du 4 mars 1921 publient, sous les signatures de Iline, Pewuchine et Kabanoff, une proclamation du bureau provisoire de la cellule communiste de Cronstadt. Il y est précisé qu’il est «(...) faux que des dirigeants communistes aient été fusillés». Plus loin la cellule communiste déclare nécessaire «la réélection du soviet et demande aux membres du parti communiste d'y prendre part». Elle conseille à ses membres de «ne pas faire obstruction aux décisions du C.R.P.» et elle ajoute : «Fermeté, discipline et solidarité sont les conditions nécessaires à la victoire des ouvriers et des paysans du monde entier contre les manœuvres de l'Entente...».

Réélection d’un nouveau soviet, défense les armes à la main des conquêtes ouvrières, victoire des ouvriers contre les manœuvres de l’Entente, ... nous sommes loin des conditions objectives d’installation d’une dictature militaire au profit d’une contre-révolution blanche !

Le 1er , écrit Berkman, les équipages de la 1ère et 2ème escadre de la Flotte de la Baltique convoquent une assemblée publique sur la place Yarni. 16.000 marins, soldats de l’armée rouge et travailleurs y assistent. C’est Vassiliev qui préside. Kalinine, Président de la république et Kuzmine, Commissaire de la flotte de la Baltique s’adressent à l’assistance...

Lorsque la situation de Petrograd est abordée, l’assistance exprime son indignation devant les moyens employés par  Zinoviev contre les travailleurs.

Le Président kalinine et le Commissaire Kuzmine vont alors réprimander les grévistes et accuser la résolution de Petropavlovsk d’être contre-révolutionnaire. Les marins vont mettre l’accent sur leur loyauté au système soviétique mais condamner la bureaucratie bolchevique. La Résolution sera votée.

Le 2 mars, des grèves importantes ayant éclaté à Moscou, les Bolcheviks y voient la «preuve d'une conspiration contre-révolutionnaire».

Le 3 mars, Cronstadt est agitée. La ville désapprouve les méthodes draconiennes du gouvernement contre les ouvriers mécontents.

Le 4 mars une grande agitation est perceptible dans la ville de Cronstadt. Des soulèvements paysans sont signalés à Tambov, en Sibérie, en Ukraine et au Caucase. Le parti est ouvertement accusé d’être plus intéressé par l’implantation de son pouvoir politique que par la sauvegarde de la Révolution !...

Le 17 mars Cronstadt tombe. Des milliers de marins et de travailleurs gisent, dans les rues, morts. Les exécutions sommaires de prisonniers et d’otages continuent.
 

Martin Malia [15] écrit que «le but de la révolte de Cronstadt, c'est "les soviets sans les communistes". Les soviets style démocratie soviétique, style 1917, début 1918. La révolte de Cronstadt est d’autant plus sérieuse qu’elle est partie de Pétersbourg [16]. Le mouvement, qui a culminé dans la révolte de Cronstadt, débute par un mouvement de grève à Pétersbourg, relativement facile à réprimer parce qu’il y avait l’appareil du Parti qui était là, et par le fait que Cronstadt était une île, ce qui a permis à l’abcès de se fixer là. Mais les sentiments de Cronstadiens étaient largement répandus dans la classe ouvrière de Pétersbourg et dans la classe ouvrière du pays.»

Martin Malia [17] ajoute qu’en 1921, la «base» ouvrière et paysanne en Russie est débarrassée de la peur des Blancs.

Elle en revient à «l’attitude de rejet déjà dramatiquement manifestée dans les premiers jours de 1918...».

Survenant dans des lieux qui furent le berceau de la révolution, les Cronstadiens entendaient revenir à «l’utopie» de 1917, celle d’une «Commune».

Mais les prolétaires de Cronstadt furent dénoncés comme autant de «gardes blancs», «laquais de l’Entente» et matés militairement par le prolétariat «métaphysique», réuni en son Xème congrès du parti.

«Le congrès interrompit ses séances pour dépêcher sur les lieux de la révolte une cohorte de délégués, conduits par Trotski (et dont "l’opposition Ouvrière" faisait partie) pour s’emparer de la forteresse et faire exécuter les meneurs...».

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DU DEBAT DES IDEES...
Communisme libertaire et Soviet ou Communisme autoritaire et Dictature

Angelica Balabanoff [18] apporte un éclairage intéressant sur les méthodes employées au plus haut niveau de l’appareil du parti bolchevique. Elle critique ce faisant l’attitude de Trotsky, lequel aurait dû, selon elle, «opposer sa supériorité au jésuitisme de ses rivaux en refusant de se servir de leurs méthodes…». Elle regrette qu’au moment où «avec la bureaucratie, arriva le temps de la désillusion, (Trotsky) aurait pu devenir le dirigeant d'un mouvement révolutionnaire ouvrier international...». Mais Trotsky n’était pas, selon Balabanoff, suffisamment autonome pour défendre la démocratie dans le parti ou pour lutter contre la répression dont faisaient l’objet des dissidents sincères.

Il ne dénonça pas les campagnes de calomnies montées par la machine du parti contre les opposants politiques.

Il aurait fallu que Trotsky s’oppose dès la première heure aux dérives inhérentes au système bolchevique lui-même. Il ne le fit pas car il fut, dès après 1917, un bon Bolchevik, un léniniste cent pour cent et qu’il faisait partie intégrante de la bureaucratie…

Si à l’extérieur du Parti, les forces populaires furent nombreuses, et parmi elles les anarchistes, à dénoncer les déviations autoritaires, bureaucratiques et contre-révolutionnaires, à l’intérieur du parti «ce fut une femme — Alexandra Kollontaï — qui dirigea la première opposition organisée contre les lignes de Lénine et de Trotski...» nous précise Angelica Balabanoff. Celle-ci fut qualifiée de «déviation anarcho-syndicaliste incompatible avec le Parti» par les dirigeants bolcheviques (au cours de ce Xème congrès du parti communiste de Russie), dirigeants par ailleurs mobilisés contre Cronstadt.

Dominique Desanti rapporte que, lors du congrès du parti bolchevik (le Xème) qui se tenait à Moscou au cours de cette période, Lénine déclara à V. Serge : «C'est Thermidor. Mais nous ne nous laisserons pas guillotiner ; nous ferons un contre Thermidor.» Desanti remarque que par cette «constante référence» à la révolution française, «les chefs du prolétariat acceptaient pour ancêtres les révolutionnaires bourgeois».

Dominique Desanti parle de jugements éclairs et des condamnations à mort exécutées sur l’heure... Elle rapporte les propos d’un délégué communiste allemand, logé à l’hôtel Continental de Petrograd, témoin des faits, qui se souvenait que le 1er mars 1921, «les "mutins" de Cronstadt ont lancé par radio un appel au monde contre le "sanglant maréchal Toukhatchevski" qui avait ouvert le feu : "Nous vaincrons ou périrons sous les ruines de Cronstadt... Vive le pouvoir des soviets ! Vive la révolution socialiste mondiale" !».

Les Izvestia de Cronstadt du 6 mars reproduisent la «fidèle copie» d’une proclamation qu’un avion communiste à lancée sur Cronstadt :

« Vous voyez maintenant où ils vous ont mené ? Vous voyez où vous en êtes ? Derrière les sociaux-révolutionnaires et les mencheviks, les généraux tsaristes montrent leurs crocs. Les Petrichenko, les Toukine ne sont que des pantins aux mains du général Korlovsky, des capitaines Burkcer, Kortromitinoff, Shirkanovsky, et autres potentats blancs. On vous trompe ! On vous dit que vous luttez pour la "démocratie". Mais les jours passent et vous voyez que, loin de lutter pour la démocratie, vous chargez vos épaules d'un nouvel esclavage, celui des généraux tsaristes. On vous raconte des histoires. Petrograd vous aidera? La Sibérie et l'Ukraine sont prêtes à vous suivre ? Mensonges éhontés ! A Petrograd, tous les marins jusqu'au dernier vous ont maudits quand ils ont su que vous étiez manipulés par le général Korlovsky. La Sibérie et l'Ukraine sont de fermes partisans du pouvoir soviétique (...) Vous manquez de pain, vous manquez de combustibles. Si vous vous obstinez, on vous tirera comme des canards. Tous les généraux, les Korlovsky et les Burkcer, tous ces "salauds", les Petrichenko et les Toukine, s’enfuiront sans aucun doute à la dernière minute vers la Finlande blanche... Avez-vous oublié comment les soldats de Wrangel arrivèrent à Constantinople où ils tombèrent comme des mouches, de faim et de maladie ?... Signé : le Comité de défense de Petrograd ».

Dans les Izvestia du 7 mars, figure l’ordre, jugé «curieux», que Trotsky a transmis par radio à la population de Cronstadt et au front des insurgés : « (...) Seuls, ceux qui se rendront sans condition pourront compter sur la clémence de la république soviétique. Je donne à l’instant même l’ordre de préparer l'écrasement de la révolte. Les insurgés seront passés par les armes. La responsabilité des ces malheurs retombera toute entière sur la tête des gardes blancs rebelles. C'est le dernier avertissement. Signé : Trotsky du conseil militaire de la République soviétique. Kamenev, commandant en chef ».

Mais, les mots d’ordre tels que celui de «démocratie de producteurs» ne pouvaient aboutir, selon Lénine, qu’à saper la dictature du parti bolchevik. C’est à ce moment-là qu’il conçut l’idée de la N.E.P.

De son côté, l’Opposition Ouvrière exigeait l’exclusion du parti bolchevik de la sphère de l’économie et son remplacement par un pouvoir autonome des masses travailleuses. Lénine qualifia la doctrine de l’Opposition «d’hérésie anarcho-syndicaliste».

Si l’Opposition Ouvrière mena son combat au sein même du parti, d’autres ouvriers, paysans et soldats n’observèrent pas la même réserve.

En mars 1921 éclatait la révolte de Cronstadt contre le gouvernement soviétique.

A. Rosenberg [19] rappelle que les revendications concernant la liberté de parole et de presse pour les ouvriers, les paysans, les anarchistes, et les partis socialistes de gauche ainsi que la liberté des syndicats et des ligues paysannes figuraient en bonne place parmi les attentes des habitants de Cronstadt.

Il ajoute que «l'insurrection (...) fut saluée avec joie par tous les émigrés, ennemis du gouvernement soviétique...». Des émigrés qui allaient chercher à soutenir les insurgés, chose à laquelle ces derniers se refusèrent..

Du reste, Rosenberg rajoute : «Lénine ne considéra jamais le soulèvement de Cronstadt comme un putsch ordinaire de gardes blancs, dans le genre de ceux de Denikine ou Wrangler. Au contraire il y vit le symptôme d'une désaffection grave des masses russes à l'égard du bolchevisme.»...

C’est pourtant autour d’une propagande mensongère que le pouvoir bolchevique fit campagne autour de Cronstadt.

Le soulèvement fut écrasé car, si Lénine acceptait de donner du pain en sacrifiant au besoin, par le biais de la N.E.P., ses convictions «communistes», il ne voulait absolument pas accorder la plus petite parcelle de liberté démocratique aux masses asservies !

Concernant la dictature «du» prolétariat, il est nécessaire de laisser la parole à Rudolf Rocker [20]. Ce dernier considérait en effet que cette forme de «dictature» était «(...) empruntée par (nos) socialistes étatistes à ce parti petit-bourgeois que furent les Jacobins. Ce parti qualifiait de crime toute grève et interdisait, sous peine de mort, les associations ouvrières. Saint-Just et Couthon furent ses porte-parole les plus énergiques, et Robespierre agissait sous leur influence».

Ce qui est certain, c’est que les historiens ont sans cesse glorifié l’œuvre des Jacobins et, il en est résulté avec le temps, une conception fausse de l’histoire tout entière de la Révolution…

Les Jacobins et la Convention ont toujours vivement combattu les innovations radicales...

Par la suite, lorsque Babeuf et Darthey créèrent la «Conspiration des Egaux», ils voulurent faire de la France, au moyen de la dictature, un État agricole communiste. En tant que communistes ils tentaient de résoudre la question économique ; mais comme Jacobins, ils croyaient que ce but pouvait être atteint par la puissance de l’État, muni des pouvoirs les plus vastes…

C’est de ces hommes que Marx et Engels ont hérité l’idée de la dictature du prolétariat, exprimée dans le Manifeste communiste.

Les pionniers du système des Conseils ont très bien vu, eux, qu’avec l’exploitation de l’homme par l’homme devait aussi disparaître la domination de l’homme sur l’homme. Ils ont compris que l’État, la puissance organisée des classes dominantes, ne pouvait pas être transformé en instrument d’émancipation pour les travailleurs ! Aussi, ils ont pensé que la destruction de l’ancien appareil du pouvoir devait être la tâche la plus importante de la révolution sociale. Seule, cette condition rendait impossible toute forme nouvelle d’exploitation.

Les «socialistes libertaires» et les «syndicalistes» défendaient cette conception et R. Rocker pouvait écrire «(...) notre mot d'ordre reste : "Tout par les Conseils ! Aucun pouvoir au-dessus d'eux !" et ce mot d'ordre sera en même temps celui de la révolution sociale» [21].

Emma Goldman [22] a expliqué, dans la Revue Anarchiste N° 33 d’avril 1925, pourquoi les principes, les méthodes et la tactique bolchevistes ont fait faillite et pourquoi des méthodes et principes similaires appliqués dans d’autres pays, même les mieux évolués industriellement fourniraient les même résultats. Elle poursuit : «J’ai montré que ce n’est pas seulement le Bolchevisme qui a fait faillite, mais le Marxisme lui-même. C’est à dire que l’Idée État, le principe autoritaire, ont prouvé leur totale banqueroute dans l’expérience de la révolution russe. Si je devais résumer mon argumentation dans une formule, je dirais : la tendance inhérente de l’État est de concentrer, de rétrécir, de monopoliser toutes las activités sociales ; la nature de la révolution , au contraire, est de se développer, de s’élargir, de se disséminer elle-même en des cercles toujours plus larges».

C’est en fait la conception socialiste de la révolution qui est en cause. Une conception qui se limite en fait à des réarrangements, des saupoudrages etc., mais et laisse en place, le système de coercitions, les hommes et les moyens qui vont avec !

La dictature du prolétariat remplace celle de la bourgeoisie ; Lénine remplace les Romanov sur le trône ; Trotsky est nommé ministre de la guerre ; un ouvrier devient le gouverneur militaire général de Moscou...

Il s’agissait d’un simple changement de forme ou de substance dans la Russie de 1917/1918. L’État communiste encouragea même, par la suite, les pires qualités antisociales. Il détruisit le sentiment de justice et d’égalité, l’amour de la Liberté et la fraternité humaine, fondements de toute véritable régénération sociale.

Léonard Shapiro [23] a donné son sentiment sur le caractère de la révolte de Cronstadt. Il écrit «C’était une résolution de caractère éminemment populaire, et même l’ingéniosité des historiens communistes ne parvient pas sans peine à démontrer des analogies avec le programme de l’un ou l’autre des partis de l’opposition non communiste...». Il note ainsi l’absence de toute allusion à l’assemblée constituante, point central de la revendication des Sociaux-révolutionnaires... Peut-être y voit-il une influence anarchiste dûe aux contacts que les marins de Cronstadt maintenaient avec eux.

En revanche son caractère populaire est indéniable et explique pourquoi la résolution fut rarement reproduite ou citée dans les sources soviétiques. Les auteurs soviétiques la qualifièrent le plus souvent de revendication «déguisée» en faveur de la restauration du capitalisme…

Paul Avrich [24] nous rappelle avec beaucoup d'à propos qu’au début de l’année 1921, Lénine fit mettre à l’index les ouvrages et les textes de Pelloutier, Bakounine et Kropotkine. Ce dernier fit part à Emma Goldman [25] que «... seul le syndicalisme pouvait fournir une base de départ à la réorganisation de l‘économie russe...». Au moment de la disparition de Kropotkine, en février 1921, sa famille refusa de faire, comme le proposait Lénine, des funérailles nationales. C’est un comité de dirigeants anarcho-syndicalistes et anarcho-communistes qui s’en chargea. Bravant le froid de l’hiver, 20.000 moscovites suivirent le cortège derrières des banderoles portant des slogans comme «Là où il y a  autorité, il ne peut y avoir de liberté», «La libération de la classe ouvrière, c’est la tâche des travailleurs eux-mêmes»...

Les participants portaient des drapeaux noirs et des pancartes exigeant la libération de tous les anarchistes.

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QUELQUES CERTITUDES

Cronstadt fut accusé de tous les maux et de toutes les «traîtrises» par la plupart des dirigeants bolcheviques et les historiens, à leur suite, s’en donnèrent à cœur joie, relayant éhontément fausses informations, fausses nouvelles, afin de justifier et de légitimer la liquidation de la révolte.

Parlant des procédés employés par les bolcheviks afin de discréditer la révolte populaire de Cronstadt, Rudolf Rocker s’est employé à stigmatiser cette «misérable méthode... jusqu'à présent l'apanage douteux du plus bas terrorisme journalistique bourgeois» qui devint l’arme préférée de la presse du parti communiste russe et de ses «tristes» succursales de l’étranger. Ainsi «Maria Spiridovna et les maximalistes : des contre-révolutionnaires ! Les anarchistes : des contre-révolutionnaires ! Les syndicalistes : des contre-révolutionnaires ! Makhno : un contre-révolutionnaire ! Les insurgés de Cronstadt : des contre-révolutionnaires !...» et Rocker de rajouter que ceux qui ne le pensent pas ne peuvent naturellement qu’être «des contre-révolutionnaires !».

Trotsky qui alimenta et justifia en son temps de pareilles outrances finit par les subir à son tour quand Staline décida de se débarrasser de lui ! Les trotskistes devinrent, selon les circonstances, des «agents de la réaction», des «agents de la cinquième colonne» et des «hitléro-trotskistes»...

Victor Serge [26] qui ne peut aucunement être soupçonné de militer en faveur du mouvement de rébellion. quand il donne son sentiment à ce propos, traduit «objectivement», d’un point de vue marxiste bien évidemment, les idées, faits et gestes enregistrés à cette époque. Il écrit alors : «La contre-révolution populaire traduisait la revendication de Soviets librement élus par celle des "Soviets sans communistes". Si la dictature bolchevik tombait, c'était à brève échéance le chaos, à travers le chaos la poussée paysanne, le massacre des communistes, le retour des émigrés et finalement une autre dictature anti-prolétarienne par la force des choses. Les dépêches de Stockholm et de Tallinn attestaient que les émigrés considéraient les mêmes perspectives. Par parenthèse, ces dépêches confirmèrent les dirigeants dans la volonté de réduire vite Cronstadt, quoi qu'il en coûtât. Nous ne raisonnions pas dans l'abstrait. Nous savions qu'il y avait, dans la seule Russie d'Europe, une cinquantaine de foyers d'insurrections paysannes. Au sud de Moscou, l'instituteur socialiste révolutionnaire de droite, Antonov, qui proclamait l'abolition du régime soviétique et le rétablissement de la Constituante, disposait dans la région de Tambov d'une armée parfaitement organisée de plusieurs dizaines de milliers  de paysans. Il avait négocié avec les Blancs. (Toukhatchevski réduisit cette Vendée vers le milieu de l'année 1921.).

Dans ces conditions, le parti devait céder, reconnaître que le régime économique était intolérable, mais ne devait pas abandonner le pouvoir. «En dépit de ses fautes et de ses abus, dit V. Serge, le parti bolchevik est à ce moment la grande force organisée, intelligente et sûre à laquelle il faut, malgré tout, faire confiance. La révolution n'a pas d'autre armature et n'est plus susceptible de se renouveler à fond».

Cette citation résume parfaitement ce que peut être une vision partisane, monolithique de l’Histoire chez Victor Serge, un homme partagé entre son engagement au sein même de la dictature, ses convictions marxistes-léninistes récentes et un manque flagrant de justifications objectives quand il se trouve confronté à la réalité des faits.

Les événements de Cronstadt sont qualifiés de contre-révolution, même si l’adjectif populaire nous engage à ne pas les classer dans le camp de la bourgeoisie. En même temps, la seule alternative à la dictature bolchevik semble se résumer au chaos ou à une dictature anti-prolétarienne... Et, au final, Le «quoi qu'il en coûtât. Nous...» vient définitivement consacrer l’ancrage de Victor Serge aux côtés des hommes de la dictature dont il légitima les pires actes qu’ils commirent !

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EN CONCLUSION

De nombreux témoins de cette époque, venant d’horizons politiques différents, certains mêmes militant pour la cause bolchevique, se sont accordés pour reconnaître à la révolte de Cronstadt un caractère authentiquement populaire et prolétarien. Toute idée de collusion avec les «Blancs» ou bien avec «l’Entente» a été repoussée tant elle a pu paraître totalement saugrenue.

Les historiens qui n’étaient pas aux ordres ont témoigné du caractère «révolutionnaire» de la résolution des cronstadiens.

Tous ont insisté sur le fait que les revendications fortes concernaient l’amélioration des conditions d’existence matérielle et l'accès aux libertés essentielles : la liberté d’opinion, la liberté de la presse, la liberté de représentation... et la libération des prisonniers politiques, notamment anarchistes.

A aucun moment il n’a été question d’un retour en arrière concernant le système politique !

Bien au contraire il est question d’accorder un poids réel aux soviets et aux syndicats ouvriers, chose que n’envisagent même pas les bolcheviks.

Luigi Fabri [27] analyse avec une acuité politique indéniable les conséquences d’une application stricte des présupposés marxistes. Il écrit ainsi, en 1920, «Lorsque les travailleurs auront mis la main sur la propriété, et que d'autre part il n'y aura plus la violence de l'État pour les tenir assujettis ou pour défendre quelques riches, il n’existera pas non plus des riches et des salariés. C’est à dire qu’il sera impossible d’assister à nouveau à "l’asservissement du travail d’autrui" dont parle Marx, et cela même si la réorganisation sociale n’est pas encore tout à fait terminée.
A moins... à moins que le danger ne vienne justement de l’éventuelle dictature socialiste qui, une fois vaincue la résistance de l’ancien régime, deviendrait à son tour l’oppresseur dans la nouvelle société et transformerait les travailleurs d’esclaves du capital en esclaves de l’État. C’est là une de nos préoccupations constantes, une de celles qui fait de nous des anarchistes».

Clairvoyance de Fabri qui place fort justement la responsabilité de l’échec de la «révolution russe» dans l’application des thèses marxistes de «dictature du prolétariat» et dans l’omnipotence de l’État marxiste-léniniste avec son cortège de privations de liberté, de renforcement des pouvoirs de police et de la militarisation outrancière de la société…

Les raisons du soulèvement de Cronstadt sont entièrement contenues dans ces affirmations. Les Cronstadiens n’étaient nullement des contre-révolutionnaires! En revanche, les bolcheviks, quoi qu’on en dise, ont agi en réactionnaires en reprenant à leur compte et même en les développant les pratiques liberticides héritées du tsarisme.

Voline [28] tire la leçon des événements, en écrivant que «Lénine n’a rien compris — ou plutôt rien voulu comprendre — au  mouvement de Cronstadt. L’essentiel pour lui et pour son parti... poursuit Voline... était de se maintenir au pouvoir coûte que coûte». Si le sens profond des événements indiquait clairement la nécessité, pour le Parti, de réviser le principe de dictature (libertés pour la population laborieuse ; élection libre des soviets...) la réalité fut toute autre.

«En tant que marxistes, autoritaires et étatistes, les bolcheviks ne pouvaient admettre la liberté des masses, leur indépendance d’action (...)». Ils cédèrent sur le terrain économique et, avec la NEP, accordèrent des concessions dans certains domaines sauf celui du «Pouvoir».

La NEP¨peut être considérée, à juste titre, comme une «halte» non pas pour mieux redémarrer mais, au contraire, pour mieux revenir au point de départ, à la même dictature.

Le chemin vers l’État capitaliste totalitaire pouvait ainsi reprendre son cours avec, comme l’écrit Voline, «... plus de garanties contre le danger d’une répétition éventuelle de "Cronstadt"».

Les enseignements de l’Histoire ne peuvent être impunément subvertis par des incongruités, des mensonges et des propos orduriers. La lumière de «Cronstadt» reste vivante et balise le chemin de la révolution.

Les tentatives trotskistes pour obscurcir le débat resteront vaines.

La révolution sera libertaire ou ne sera pas.

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Edward SARBONI
Septembre 2003
Notes
1. Une discussion sur un forum internet, le RedForum, au sujet de la revue "les cahiers du CERMTRI n°110 - Cronstadt 1921, documents" qui apporterait, d'après ses auteurs, à grands renforts de "documents" d'époque la preuve de la main mise des "blancs" sur l'insurrection de Cronstadt, et notamment l'appartenance d'un des instigateurs, PETRICHENKO, aux armées réactionnaires.
2. C’est ainsi que ses proches appelèrent Trotsky tentant ainsi d’en faire, ad vitam æternam, un sage et une sorte d’icône de la révolution en même temps que son « meilleur » connaisseur...
3. In METT I., La Commune de Cronstadt. Crépuscule sanglant des soviets, Paris, janvier 1949, Spartacus, 2ème série N°11 p. 78-81
4. Opritchniks — garde personnelle du tsar Ivan le Terrible, qui fut en même temps la police supérieure politique. Durant les 7 années de son existence (1565-1572) ils se distinguèrent par une activité féroce.
5. Archine : mesure de longueur russe.
6. Vilken serait un ancien officier de la marine russe
7. In SERGE Victor, Mémoires, Paris, 1957, Seuil — Club des éditeurs p. 130
8. In Collectif, La Commune de Cronstadt. Recueil de documents..., Paris, 1969, Bélibaste p. 15-106
9. In SERGE V., Le tournant obscur, Paris, 1972, Albatros
10. CRCEDHC, 76/3/208/12 in COURTOIS S., WERTH N., PANNE J.L., PACZKOWSKI A., BARTOSEK K, MARGOLIN J.L., Le livre noir du communisme, Paris, 1977, R. Laffont p.127
11. In Le livre noir du communisme, p.127
12. In BERKMAN A., Le mythe bolchevik. Journal 1920-1922, Paris, 1987, La Digitale p. 254-258
13. In ROSENBERG A., Histoire du Bolchevisme, Paris, 1936, Grasset p.179-199
14. In DESANTI D., L’Internationale communiste, Paris, 1970, Payotp.94-95
15. In MALIA M., Comprendre la Révolution russe, Paris, 1980, Seuil ? Histoire p.168-179
16. Autre nom de Petrograd
17. In MALIA M., La tragédie soviétique. Histoire du socialisme en Russie, 1917-1991, Paris, 1995, Seuil p. 189
18. In BALABANOFF A., Ma vie de rebelle. Les mémoires d’une grande militante du mouvement ouvrier. De son adhésion à la IIème Internationale à son exclusion du Parti communiste soviétique en 1924, Paris, 1981, Baland p.246-249
19. In ROSENBERG A., Histoire du Bolchevisme, Paris, 1936, Grasset p.206-207
20. In AVRICH P., Les anarchistes russes, Paris, 1979, Maspero p. 179-180
21. In AVRICH P., Les anarchistes russes, Paris, 1979, Maspero p. 184
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23. In SHAPIRO L., Les origines de l’absolutisme communiste. Les Bolcheviks et l’opposition 1917-1922, 1986, Les Iles d’or ? Albatros p. 246-259
24. In AVRICH P., Les anarchistes russes, Paris, 1979, Maspero p. 257
25. In GOLDMAN Emma, My Disillusionment in Russia p. 158
26. In SERGE V., Mémoires, Paris, 1957, Seuil ? Club des éditeurs p. 127 à 129
27. In FABBRI L., Dictature et révolution, Paris, 1986, Les éditions du Monde Libertaire p.215
28. VOLINE, La révolution inconnue. 1917-1921, Paris, 1947, Les amis de Voline, p. 502-506

BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE

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