Christine/OCL— Ce qui se passe derrière la décentralisation

Christine/OCL
Ce qui se passe derrière la décentralisation
Courant alternatif n°125 - janvier 2003, p. 4 à 6.
http://oclibertaire.free.fr/
Chaque gouvernement successif s'est appliqué depuis vingt ans à déconcentrer le pouvoir de la France: des lois Deferre (82-83), à celles de Pasqua (95), de la loi Chevènement (les communautés de communes, l'intercommunalité, en 99) à celle de Voynet (la notion de «Pays», en 2000). Le but est le même: rationaliser l'appareil d'État en mutualisant certains services aux échelons régionaux et locaux.
Aujourd'hui, les nouveaux gouvernants poursuivent cette logique de décentralisation.

Créer une «République des proximités», «rapprocher les citoyens des lieux de décision», «débloquer le pays», «réformer l'État en le modernisant», «mettre la France à l'heure de l'Europe des régions»...:le nouvel exécutif veut convaincre aujourd'hui qu'on tient dans la décentralisation, un remède quasi miraculeux aux problèmes hexagonaux du moment.

Le gouvernement habille en termes élogieux le joujou de son chef, la décentralisation étant présentée comme la grande œuvre de Raffarin, dévoué aux régions en tant qu'ancien président de l'une d'elles. Ce chantier ne soulève pourtant pas l'enthousiasme des Français qui le placent au dernier rang de leurs préoccupations; au point que Chirac a renoncé, craignant pour son trône, à les solliciter par référendum. En revanche, le projet aiguise l'appétit des castes politiques locales, ainsi que des banquiers et des entrepreneurs.

Plusieurs événements ont renforcé le courant décentralisateur. l'État, pour faire des économies sur son budget, a cherché à associer les collectivités à ses investissements. Les territoires se sont lancés dans une concurrence renforcée pour accueillir entreprises et laboratoires de recherches. La France cherche à rejoindre une évolution décentralisatrice bien plus avancée dans les autres États européens qui ont accordé à leurs régions des pouvoirs étendus et parfois législatifs; d'autant que de nouvelles réglementations au niveau de toute l'Europe, inscrites dans le brouillon de la future constitution européenne, redistribueront plus encore des compétences des États aux communautés et régions, qui les délègueront à leur tour sur d'autres acteurs publics ou privés, selon un système de partenariat. Il s'agit aussi, pour l'État français, d'apporter les modifications propres à favoriser les tendances du capitalisme mondial: privatisation des secteurs de production et de distribution jusqu'alors étatisés, marchandisation des services publics, dérégulation, mise en pratique d'une culture du partenariat et du contrat remplaçant la loi et les conventions collectives, — culture prônée par le Medef et en conformité avec le traité de Maastricht et l'OMC.
 


Les dispositions du projet

Le projet de loi constitutionnelle qui ouvre la voie à la décentralisation modifie l'article premier de la Constitution qui définit les valeurs fondatrices de la République. Cet article proclame désormais que «l'organisation(de la République) est décentralisée».La région est officiellement reconnue. Des compétences nouvelles seront transférées par l'État aux collectivités locales; celles-ci auront aussi, par loi ou par décret, le droit à «expérimenter»,pour une durée de 5 ans, d'autres compétences qu'elles choisiront. Le Parlement pourra voter l'organisation d'une consultation sur la création d'une collectivité à statut particulier ou sur la modification des limites d'un département ou d'une région (par exemple, la fusion de deux départements ou de deux régions (1)). Il est spécifié que «tout transfert de compétence entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de ressources équivalentes à celles qui leur étaient consacrées»,charge à ces collectivités de se procurer les compléments budgétaires; il leur est reconnu une autonomie financière qui consacre leur faculté de recevoir «tout ou partie des impositions de toute nature».Les collectivités locales auront le droit d'organiser des référendums décisionnels, sur des questions relevant de leurs compétences. Les électeurs auront un droit de pétition pour obtenir l'inscription d'un sujet à l'ordre du jour de l'assemblée délibérante de la collectivité.

Le projet de loi a été approuvé par les députés et le Sénat. Il devra être validé par le Congrès fin février. Exit donc, — car trop risqué pour le gouvernement — le référendum national qui devait permettre que les Français soient «naturellement consultés»,comme Chirac l'avait promis le 10 avril 2002. Des Assises des libertés locales se sont tenues dans les 22 régions de la métropole et les 4 d'Outre-Mer. D'une façon évidemment centraliste, puisque ce sont les préfets qui ont fixé l'ordre du jour, dressé la liste des participants et convoqué (des élus et des ministres); ce qui montre bien que la décentralisation n'amoindrit en rien la structure hiérarchique de l'État: la décentralisation se décide au niveau central et suivant un schéma qui est imposé par une cohérence européenne et mondiale et non pas par la réponse à des situations problématiques ou à des besoins réels.

Une fois que les régions auront fait connaître les nouvelles compétences qu'elles souhaitent expérimenter, une «loi de modernisation de la République»viendra, avant l'été, organiser le transfert de ces compétences, en en précisant le nombre et la nature. C'est après seulement que seront abordés questions budgétaires et transferts financiers
 


Le poids accru des tutelles politiques et patronales.

Chirac avait dit: «La décentralisation ne doit pas être une affaire d'élus».Or, affaire d'élus elle l'a été depuis le départ, et elle le restera jusqu'au bout.

La déconcentration des pouvoirs telle qu'elle existe aujourd'hui a déjà changé la vie des élus. Elle a fabriqué de nouveaux hobereaux, impulsé de nouvelles féodalités, au profit d'une corporation d'élus cumulards, qui ont acquis plus de poids et qui souhaitent en acquérir davantage. De nouvelles élites politiques départementales et régionales sont ainsi apparues et, de par leur capacité de redistribution d'une partie des fonds de l'État et de l'Europe, elles ont acquis un véritable pouvoir d'influence sur les populations concernées. Même élues, elles ne sont guère plus que les clones dont l'administration centrale a besoin localement.

La future décentralisation consacrera et accroîtra la montée en puissance de nouvelles couches bureaucratiques vivant de relations clientélaires tant avec leur base qu'avec l'Etat central. Le gâteau de la décentralisation réveille de féroces appétits. Il suffit de voir comment les Assises des libertés locales ont servi de défouloir aux conseillers municipaux, généraux et régionaux et de constater déjà la foire d'empoigne entre les différents échelons pour se répartir des compétences sur les terrains les plus juteux.

Au sein d'une même région, les élus rêvent d'accroître leur pouvoir face à leurs concurrents: ainsi le président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques qui milite pour obtenir une expérimentation de décentralisation sur les dossiers transfrontaliers s'est vu rabrouer par le président de la région Aquitaine qui lui reproche de marcher sur ses plates-bandes.

La décentralisation renforcera aussi la mise en place de partenariats et d'échanges avec les entreprises.

Elle est une refonte de la représentation publique faite pour mieux servir les intérêts patronaux. Les régions ne sont que des accompagnatrices des dossiers des patrons. C'est que, en conquérant de nouvelles compétences, les villes, départements et régions sont devenus les premiers investisseurs publics (71% des engagements). Les élus marchent main dans la main avec les patrons et répondent à leurs exigences; ils n'ont en tête que développement, désenclavement, implantations d'entreprises, investissements et compétitivité. Ils accompagnent la logique capitaliste: accroître la rentabilité en passant par des projets construits sur des territoires plus vastes et mieux organisés, — avec entre autres objectifs de se rapprocher... du centre.

La décentralisation est souhaitée donc par des «lobbies» (terme utilisé par les élus mêmes qui les constituent) régionaux politico-économiques. Ils sont sur le pied de guerre depuis un moment. Ils s'organisent pour attirer l'attention financière de l'Etat et de l'Europe sur des conglomérats de régions. C'est le cas par exemple de l'Arc Atlantique, mais aussi des zones transfrontalières. Les élus de ces régions veulent récupérer la gestion des fonds structurels européens afin d'investir dans de grands projets d'infrastructures qu'ils souhaitent aussi gérer (ports, Euro-cité tout au long de la côte aquitaine-basque, TGV aquitaine, voies rapides, etc.). Avant que l'Europe s'élargisse vers l'Est, risquant de tarir pour eux la source des financements européens, ils voudraient rendre visible et incontournable, par de gros chantiers, un pôle économiquement puissant à l'Ouest.

Les élus ne se contentent plus d'être co-financeurs de projets qu'ils ne maîtrisent pas. A présent, ils revendiquent un rôle de chefs de file dans certains domaines, culture, éducation (2), formation professionnelle, santé, RMI, forêts, infrastructures (routes, ports, aéroports), adduction de l'eau, plans d'élimination des déchets ménagers, etc. Autant de terrains que l'Etat a l'intention de leur conférer ou sur lesquels il souhaite que s'exercent les «expérimentations».

Ce qui est en jeu, c'est la «réforme de l'État»,une des priorités affirmées par le Medef. C'est dans cette logique que plusieurs chantiers
vont être ouverts, comme ceux de la territorialisation des politiques publiques et de la gestion des ressources humaines dans les trois fonctions publiques (Etat, collectivités locales, hôpitaux). Les patrons lorgnent en effet avec envie sur ces secteurs qui relevaient jusqu'ici du service public et qui sont les grands bastions à conquérir, les activités dans lesquelles il y a de l'argent à faire et dont ils comptent tirer des profits juteux. Et les coupes claires faites par l'Etat dans les moyens attribués aux services publics préparent cette ouverture à la concurrence qui s'accompagnera de leur démantèlement.
 


Concurrence et inégalités renforcées

Les lois précédentes de décentralisation n'ont en rien résorbé les inégalités entre les régions, bien au contraire. Les écarts de richesse entre les régions n'ont cessé de croître et quatre d'entre elles assurent aujourd'hui la moitié du PIB national. Ce qui permet à Sarkozy d'écarter le problème de l'égalité, le dernier de ses soucis, en ironisant: «On me dit qu'il s'agit d'une mise en danger de l'égalité: ah bon, parce qu'elle existe?»Et quand on entend Balladur dire qu'«il faut un minimum d'égalité»et «un minimum de justice»pour accompagner la décentralisation, on comprend bien qu'égalité et justice seront traitées a minima.

Le nouveau projet de loi aura pour effet d'accentuer encore les inégalités territoriales; d'ailleurs, il ne comporte ni garanties de compensation des transferts de compétences ni mécanisme puissant de péréquation. L' inspirateur du projet, Raffarin, avoue lui-même tout benoîtement vouloir mettre en concurrence les territoires et les différents niveaux de collectivité locale et privilégier «celui qui a de l'avenir est «celui qui présentera l'expérience la plus utile (?) et la plus audacieuse».Que le meilleur, c'est à dire le plus riche, gagne! L'objectif est d'aménager le territoire «à la carte».Pour cela, l'Etat soutiendra les projets «créateurs de richesses»; c'est à dire riches en investissements et en activités rentables. Il s'appuiera donc sur des «métropoles d'excellence»,pour y développer des «spécialisations sectorielles».Le mouvement de renforcement de la polarisation économique autour de grandes agglomérations offrant de bonnes connexions sur les réseaux mondiaux ainsi qu'une gamme de services attractifs pour les personnels qualifiés, ne fera que s'amplifier.

C'est dans ce cadre qu'entre aussi l'enjeu d'une formation redessinée localement au service de ces spécialisations, afin d'offrir des jeunes adaptés aux besoins du patronat. Ainsi, se renforcera et s'accélèrera une double différenciation: inégalités entre territoires et séparation entre catégories d'élèves qui correspondra à une ségrégation sociale renforcée.

Quant à la question des coûts et des financements, c'est le flou absolu et le problème passe à la trappe, remis à plus tard. Le gouvernement se refuse à toute réforme de la fiscalité locale, ce qui laisse mal augurer des péréquations promises entre régions riches et pauvres.
 


Allègement des charges de l'Etat

Le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, Lambert, n'a pas caché que le pouvoir central est prêt «à échanger de la liberté contre de l'argent».En effet, la décentralisation va permettre à l'Etat d'assainir ses comptes et de délester son budget en lui ôtant nombre de ses dépenses traditionnelles. Depuis une dizaine d'années, les gouvernements ont substitué à plusieurs impôts locaux des dotations pour alléger les prélèvements obligatoires. Les ressources fiscales directes représentent 37% des recettes de fonctionnement des régions. Le reste (63%) dépend de subventions et de dotations de l'Etat. Celui-ci cherche à présent à se débarrasser de compétences coûteuses et à s'économiser ces dotations et ces subventions.

La réforme stipule que les recettes fiscales et l'ensemble des ressources propres (gestion des domaines, emprunts) devra être «déterminante»dans le budget de chaque collectivité. Le gouvernement décidera des crédits à allouer, tout en laissant les collectivités territoriales libres de trouver d'autres partenaires pour contractualiser. Or, dans le même temps où le gouvernement a engagé une baisse de l'impôt sur le revenu, les prélèvements effectués par les collectivités territoriales ont fait un bond de 5 points du PIB en 20 ans, passant de 3,5% en 80 à 8,5% en 2001. Les chiffres de 2002 indiquent une nette augmentation des taux de la fiscalité directe locale (2,1% en 2002). Il est clair que les impôts locaux augmenteront encore, ce qui ne peut qu'entraîner un accroissement des inégalités territoriales : seules les collectivités les plus riches pourront compenser une partie des pertes par une fiscalité propre, alors que les pauvres n'en auront pas les moyens. Ainsi c'en sera fini des services publics, définis comme accessibles à tous et visant à lutter contre les inégalités sociales. Par exemple, dans le domaine de l'éducation, chaque rectorat se débrouillera avec son enveloppe, à charge pour lui de la dépenser «au mieux». Il embauchera donc plutôt des personnels qui lui coûteront moins, plutôt des précaires que des titulaires; cela assorti d'un contrôle social renforcé.

En outre, les collectivités qui tireront leur épingle de ce jeu de la concurrence sont celles qui pourront agir en coordonnant l'action des acteurs qui possèdent, eux, les moyens du développement capitaliste: l'Etat, les banques et les entreprises.
 


"L'Etat doit rester et restera fort"

Si l'Etat cherche à déléguer la gestion de certains secteurs aux collectivités concernées, il n'en conserve pas moins tout son pouvoir et se recentre sur ses «missions essentielles».La décentralisation n'est, à la différence de l'autonomie, qu'une délégation et non un transfert de pouvoirs à la région. «Il s'agit de décentralisation, pas de régionalisation ni de fédéralisme. Il ne s'agit pas non plus d'un débat sur les institutions. Les institutions sont ce qu'elles sont et nous devons nous adapter à elles [...] Il s'agit d'organiser les services de l'Etat de la meilleure façon et au moindre coût»;telle a été l'introduction faite par le préfet des Pyrénées-Atlantiques pour cadrer la réunion des Assises locales à Salies de Béarn, en novembre 2002.

«Il s'agit [...] de partager les responsabilités avec l'Etat»,a déclaré Raffarin pour bien montrer que les quelques mesures concédées le seront sous le contrôle étroit des représentants de l'Etat; «il nous faut un Etat fort et concentré sur ses missions principales, ses missions régaliennes et non pas un Etat qui, à force de vouloir s'occuper de tout, fait mal».

Ce n'est pas de «moins d'Etat» qu'il s'agit donc, mais de «plus d'Etat contrôleur» et de «moins» d'Etat-social. Quant au régime présidentiel et aux institutions de la république, ils ont de beaux jours devant eux et seront mis en avant comme garants de l'unité du pays.

La structure et l'exercice du pouvoir seront bien évidemment inchangés: celui-ci reste confisqué par les mêmes couches sociales qui défendent leurs intérêts de classe, donc la perpétuation d'une société inégalitaire. Les structures locales, elles-mêmes hiérarchisées, ne sont que des purs échelons de l'appareil d'Etat, définis en fonction des besoins de l'administration centrale. Qu'elles soient centrales ou locales, les règles du jeu institutionnel sont les mêmes: un pouvoir exécutif tout-puissant, celui des chefs des collectivités locales, fidèles serviteurs des intérêts patronaux et étatiques, maîtres à bord pour préparer, faire voter, exécuter les délibérations de leur assemblée territoriale, simple chambre d'enregistrement, propres à servir les intérêts patronaux et assurant de surcroît des fonctions pour le compte de l'Etat.

Le référendum local, inscrit dans le projet de loi, semblait faire peur à quelques élus municipaux qui croyaient y voir un outil de déstabilisation. Raffarin les a rassurés en des termes qui prouvent combien ces référendums n'ont rien à voir avec une quelconque notion de démocratie: « [...] si une catégorie d'élus ne doit pas avoir peur des citoyens, ce sont les maires...surtout quand ils choisissent le sujet. Il ne s'agit pas de créer un référendum subversif».



Christine, le 22/12/02
Notes
(1) Le projet de loi sur la décentralisation a éveillé un intérêt, sinon des attentes, dans des régions à forte identité, comme l'est le Pays Basque. Ce pays irrite le pouvoir central avec ses revendications territoriales, linguistiques et institutionnelles portées depuis de longues années et restées sans le moindre écho.
    Mais la décentralisation à la sauce Raffarin, et l'opportunité de référendum local qui va avec, n'auront pas fait rêver très longtemps les tenants d'un département basque, et encore moins ceux qui luttent pour l'autonomie. Le projet a été vite dénoncé comme un nouveau mirage décentralisateur destiné, comme les lois précédentes, à désamorcer la revendication du département basque et, au delà, d'une institution spécifique.
    Il est clair que la réforme de l'Etat exclut a priori toute avancée vers plus d'autonomie au Pays Basque. A la vieille revendication, datant depuis plus de deux siècles et majoritaire chez les élus et dans la population, d'un département reconnaissant territoire et identité basques, le gouvernement a opposé un non catégorique, avant même l'ouverture du prétendu débat sur la décentralisation: «J'accepterai des regroupements de départements ou de régions [...] En revanche, pas question de complications avec la division d'un département, ni la création d'un département Pays Basque dans les Pyrénées-Atlantiques" a déclaré Raffarin à la presse espagnole, lors d'une visite à Aznar. Il sera donc possible de faire plus gros, mais pas plus petit : c'est sans doute cela aller plus près du citoyen... De même la possibilité d'octroyer des statuts institutionnels particuliers , explicitement inscrite dans la loi Raffarin, si elle semble légitime aux yeux du pouvoir central pour Paris, pour la Corse, la Normandie ou l'Alsace, paraît en revanche inaccessible et taboue pour le Pays Basque. La formule décentralisatrice sera valable partout, sauf là.
    S'ajoute à cette inégalité de traitement le mépris affiché par l'Etat français à l'encontre des langues dites régionales. En jugeant contraire à la constitution la Charte européenne des langues régionales signée le 7 mai par la France, depuis la disposition introduite en 1992 «La langue de la République est le français», le Conseil constitutionnel a choisi de se raidir dans un jacobinisme intransigeant qui révèle combien cet Etat reste crispé sur un centralisme exacerbé.

(2) La territorialisation touche déjà tous les aspects de la vie scolaire et périscolaire dans le primaire : budgets de fonctionnement municipaux, personnels territoriaux et communaux (aides maternelles, agents des cantines, d'entretien). Cette situation ne protège évidemment pas ces personnels atomisés et de plus en plus à statut précaire et à horaires flexibles. Elle a généré des inégalités très importantes entre écoles. Aujourd'hui, alors que l'Etat a programmé une diminution des dépenses d'éducation, des régions se jettent déjà sur l'os à ronger que constitue la formation et se portent candidates pour l'élaboration de la carte scolaire, la gestion des personnels techniques, administratifs et des surveillants, et même pour avoir leur mot à dire sur les diplômes et les formations disponibles au niveau régional. Tout le service public est à terme menacé.