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Mumia Abu-Jamal
Désespoir en Palestine 
Ò (...) [Une] société qui sÕaccoutume au recours à la violence pour résoudre ses problèmes, tant mineurs et quÕimportants, est une société dans laquelle les racines des relations inter humaines sont atteintesÓ
Ignacio Martin-Baro, S.J., in Ecrits pour une psychologie de la libération (1994)
21 mars 2002 - La guerre désorganise les vies humaines, détruit la santé et les biens, mais un conflit armé décime également la santé mentale individuelle et collective.

Pour que ce qui concerne celle-ci, un problème est rarement traité, celui des blessures de lÕâme, de lÕesprit. Encore plus rarement évoqué, lÕimpact de la guerre sur les pauvres, les jeunes, les dépossédés. Quel sont les effets dÕun conflit armé sur les opprimés, les damnés, les démunis ?

Le Dr. Eyad Sarraj, psychiatre palestinien, a écrit, il y a plusieurs années, que lÕoccupation israélienne avait un caractère si négatif, et des effets si dévastateurs sur la psyché des Palestiniens, que Òla chose étonnante (était) non pas que des attentats-suicides se produisentÓ, mais bien Òle fait quÕils soient tellement raresÓ. Le Dr. Sarraj notait :

ÒJe pense quÕil sÕagit dÕactes de désespoir absolu, marquant le stade extrêmement grave atteint dans un conflit apparemment sans issue. Depuis le déracinement des Palestiniens, en 1948, causé par le terrorisme juif de lÕIrgoun, dirigé par Yitzhak Shamir et Menahem Begin, nous avons tout tenté. Nous avons misé sur Nasser et le nationalisme arabe, ce qui nous a valu dÕêtre envahis, en 1956, dans nos maisons de fortune des camps de réfugiés. Ce nÕest que parce que lÕURSS a menacé de bombarder Londres et Paris, et seulement grâce à la détermination du président américain Eisenhower que lÕoccupation dÕalors a pris fin.

Puis vint le désastre consécutif à la guerre arabo-israélienne de 1967, Israël sÕemparant, après une guerre-éclair de six jours, du Sinaï conquis sur lÕEgypte, du Golan conquis sur la Syrie, et volant aux Arabes palestiniens tant la Cisjordanie que la bande de Gaza.

Plus de trente années durant, les Palestiniens ont dû vivre sous lÕoccupation militaire israélienne (quÕils appellent la Nakba), avec des cartes dÕidentité spéciales, des permis de résidence, des restrictions extrêmement sévères à leurs déplacements internes, des ÒpasseportsÓ faisant état dÕune Ònationalité : indéterminéeÓ et lÕomniprésence perpétuelle de lÕoccupant, affectant les moindres gestes quotidiens. Ils ont dû vivre en étrangers sur la terre de leurs pères, une terre surchargée de colonies israéliennes, de barrages de contrôle militaire et de désespoir.

Pour les Palestiniens, rien nÕa fonctionné comme promis. Les résolutions de lÕONU proclament leur droit au retour, leur droit à un Etat, la fin de lÕoccupation israélienne. Mais, sur le terrain, rien ne change. LÕarmée écrase leurs maisons au bulldozer, des francs-tireurs descendent leurs gamins qui lancent des pierres. Des dirigeants sont liquidés à domicile, les F-16 vrombissent dans le ciel durant la nuit. Et, dans cet espoir sans fond, des jeunes hommes (et désormais des jeunes femmes, aussi ! ) sÕentourent la taille de ceintures de mort. Leur seule prière ? Ne pas mourir Ñ seuls...


Mumia Abu-Jamal, en direct du couloir de la mort.
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]