«Vous pourriez, en prenant seulement votre voiture, vous rendre chez moi et me tuer sans débourser dĠautres frais quĠun peu dĠessence; cependant, si vous tenez absolument à dépenser mille dollars, je vous propose une autre solution: je vous descends dĠun coup de revolver et ensuite je donnerai lĠargent à ceux qui se battent pour une société libre où il nĠy aura plus ni assassins ni présidents, ni mendiants ni sénateurs.»Réponse de Voltairine de Cleyre au sénateur Joseph R. Hawley qui avait offert une prime de 1000 dollars à quiconque tuerait un anarchiste.
Du point de vue de celui qui pense être capable de discerner la route du progrès humain, si tant est quĠil doit y avoir un progrès; du point de vue de celui qui discerne un tel chemin sur la carte de son esprit et sĠefforce de lĠindiquer aux autres, de le leur montrer comme il le voit; du point de vue de celui qui, en faisant cela, a choisi des expressions claires et simples à ses yeux afin de communiquer ses pensées aux autres Ñ, pour un tel individu, il apparaît regrettable et confus pour lĠesprit que lĠexpression «action directe» ait soudain acquis, aux yeux de la majorité de lĠopinion publique, un sens limité, qui nĠest pas du tout inclus dans ces deux mots, et que ceux qui pensent comme lui ne lui ont certainement jamais donné.
Cependant, il arrive souvent que le progrès joue des tours à ceux qui se croient capables de lui fixer des bornes et des limites. Fréquemment des noms, des phrases, des devises, des mots dĠordre ont été retournés, détournés, inversés, déformés à la suite dĠévénements incontrôlables par ceux qui utilisaient ces expressions correctement ; et ceux qui persistaient à défendre leur interprétation, et insistaient pour quĠon les écoute, ont finalement découvert que la période où se développaient lĠincompréhension et les préjugés annonçait seulement une nouvelle étape de recherche et de compréhension plus approfondie.JĠai tendance à penser que cĠest ce qui se passera avec le malentendu actuel concernant lĠaction directe. A travers la mécompréhension, ou la déformation délibérée, de certains journalistes de Los Angeles, à lĠépoque où les frères McNamara (1) plaidèrent coupables, ce malentendu a soudain acquis, dans lĠesprit de lĠopinion, le sens dĠ «attaques violentes contre la vie et la propriété» des personnes. De la part des journalistes, cela relevait soit dĠune ignorance crasse, soit dĠune malhonnêteté totale. Mais cela a poussé pas mal de gens à se demanderce quĠest vraiment lĠaction directe.
QuĠest-ce que lĠaction directe?* En réalité, ceux qui la dénoncent avec autant de vigueur et de démesure découvriront, sĠils réfléchissent un peu, quĠils ont eux-mêmes, à plusieurs reprises, pratiqué lĠaction directe, et quĠils le feront encore.
Toute personne qui a pensé, ne serait-ce quĠune fois dans sa vie, avoir le droit de protester, et a pris son courage à deux mains pour le faire ; toute personne qui a revendiqué un droit, seule ou avec dĠautres, a pratiqué lĠaction directe. Il y a une trentaine dĠannées, je me souviens que lĠArmée du Salut pratiquait vigoureusement lĠaction directe pour défendre la liberté de ses membres de sĠexprimer en public, de se rassembler et de prier. On les a arrêtés, condamnés à des amendes et emprisonnés des centaines et des centaines de fois, mais ils ont continué à chanter, prier et défiler, jusquĠà ce que finalement ils obligent leurs persécuteurs à les laisser tranquilles. Les Industrial Workers of the World (2) mènent à présent le même combat, et ont, dans plusieurs cas, obligé les autorités à les laisser tranquilles, en utilisant la même tactique de lĠaction directe.
Toute personne qui a eu un projet, et lĠa effectivement mené à bien, ou qui a exposé son plan devant dĠautres et a emporté leur adhésion pour quĠils agissent tous ensemble, sans demander poliment aux autorités compétentes de le concrétiser à leur place, toute personne qui a agi ainsi a pratiqué lĠaction directe. Toutes les expériences qui font appel à la coopération relèvent essentiellement de lĠaction directe.
Toute personne qui a dû, une fois dans sa vie, régler un litige avec quelquĠun et est allé droit vers la ou les personne(s) concernée(s) pour le régler, en agissant de façon pacifique ou par dĠautres moyens, a pratiqué lĠaction directe. Les grèves et les campagnes de boycott en offrent un bon exemple; beaucoup dĠentre vous se souviennent de lĠaction des ménagères de New York qui ont boycotté les bouchers et obtenu que baisse le prix de la viande : en ce moment même, un boycott du beurre est sur le point de sĠorganiser, face à la hausse des prix décidée par les commerçants.
Ces actions ne sont généralement pas le produit dĠun raisonnement profond sur les mérites de lĠaction directe ou indirecte, mais résultent des efforts spontanés de ceux qui se sentent opprimés par une situation donnée.
En dĠautres termes, tous les êtres humains sont, le plus souvent, de fervents partisans du principe de lĠaction directe et la pratiquent. Cependant la plupart dĠentre eux sont également favorables à lĠaction indirecte ou politique. Ils interviennent sur les deux plans en même temps, sans y réfléchir longuement. Seul un nombre limité dĠindividus se refusent à avoir recours à lĠaction politique dans telle ou telle circonstance, voire la récusent systématiquement; mais personne, absolument personne, nĠa jamais été «incapable» de pratiquer lĠaction directe.
La majorité de ceux qui font profession de réfléchir sont des opportunistes; ils penchent tantôt vers lĠaction directe, tantôt vers lĠaction indirecte, mais sont surtout prêts à utiliser nĠimporte quel moyen dès lors quĠune occasion lĠexige. En dĠautres termes, ceux qui affirment que le fait de voter à bulletins secrets pour élire un gouverneur est néfaste et ridicule sont aussi ceux qui, sous la pression de certaines circonstances, considèrent quĠil est indispensable de voter pour que tel individu occupe un poste à un moment particulier. Certains croient quĠen général la meilleure façon pour les gens dĠobtenir ce quĠils veulent est dĠutiliser la méthode indirecte: en faisant élire et en portant au pouvoir quelquĠun qui donnera force de loi à ce quĠils désirent; mais ce sont les mêmes qui parfois, dans des conditions exceptionnelles, prôneront que lĠon se mette en grève; et, comme je lĠai déjà dit, la grève est une forme dĠaction directe. Ou bien ils agiront comme lĠont fait les agitateurs du Socialist Party (3) (organisation qui désormais sĠoppose vigoureusement à lĠaction directe) lĠété dernier, lorsque la police tentait dĠinterdire leurs meetings. Ils sont allés en force aux lieux de réunion, prêts à prendre la parole à nĠimporte quel prix, et ont fait reculer les forces de lĠordre. Même si cette attitude était illogique de leur part, puisquĠils se sont opposés aux exécuteurs légaux de la volonté majoritaire, leur action constituait un exemple parfait, et réussi, dĠaction directe.
Ceux qui, en raison de leurs convictions profondes, sont attachés à lĠaction directe sont seulementÉ mais qui donc? Les non-violents, précisément ceux qui ne croient pas du tout en la violence ! Ne vous méprenez pas: je ne pense pas du tout que lĠaction directe soit synonyme de non-violence. LĠaction directe aboutit tantôt à la violence la plus extrême, tantôt à un acte aussi pacifique que les eaux paisibles de Siloé (4). Non, les vrais non-violents peuvent seulement croire en lĠaction directe, jamais en lĠaction politique. La base de toute action politique est la coercition; même lorsque lĠÉtat accomplit de bonnes choses, son pouvoir repose finalement sur les matraques, les fusils, ou les prisons, car il a toujours la possibilité dĠy avoir recours.
Quelques exemples historiques De nos jours, nĠimporte quel écolier américain a entendu parler de lĠaction directe de certains hommes non-violents, dans le cadre de son programme dĠhistoire. Le premier exemple qui vient à lĠesprit est celui des premiers quakers (5) qui sĠinstallèrent au Massachusetts. Les puritains (6) les accusèrent de «troubler les hommes en leur prêchant la paix». En effet, les quakers refusaient de payer des impôts ecclésiastiques, de porter les armes, de prêter serment dĠallégeance à un gouvernement, quel quĠil soit. (En agissant ainsi, ils ont pratiqué lĠaction directe, mais de façon passive.) Aussi, les puritains, partisans de lĠaction politique, ont fait voter des lois pour empêcher les quakers dĠentrer sur leur territoire, les exiler, leur infliger des amendes, des peines de prison, des mutilations et finalement les pendre. Les quakers ont continué à arriver en Amérique (ce qui était cette fois une forme active dĠaction directe) ; et les livres dĠhistoire nous rappellent que, après la pendaison de quatre quakers (7), et la flagellation de Margaret Brewster qui fut attachée à une charrette et promenée à travers les rues de Boston, «les puritains renoncèrent à faire taire les nouveaux missionnaires» et que la «ténacité des quakers et leur non-violence finirent par triompher».
Autre exemple dĠaction directe, qui appartient aux débuts de lĠhistoire coloniale américaine: cette fois, il ne sĠagit pas dĠun conflit pacifique, mais de la révolte de Bacon (8). Tous nos historiens défendent lĠaction des rebelles dans cette affaire, car ceux-ci avaient raison. Et pourtant il sĠagissait dĠune action directe violente contre une autorité légalement constituée. Laissez-moi vous rappeler les détails de cet événement: les planteurs de Virginie craignaient (avec raison) une attaque générale des Indiens. Partisans de lĠaction politique, ils demandèrent, ou plutôt leur dirigeant Bacon exigea que le gouverneur lui accorde le droit de recruter des volontaires pour se défendre. Ce dernier craignait Ñ à juste titre Ñ quĠune compagnie dĠhommes armés ne devienne une menace pour lui-même. Il refusa donc dĠaccorder cette permission à Bacon. A la suite de quoi, les planteurs eurent recours à lĠaction directe. Ils levèrent des volontaires sans autorisation et combattirent victorieusement contre les Indiens. Le gouverneur décréta que Bacon était un traître mais le peuple était de son côté, si bien que le gouverneur eut peur de le traduire en justice. Finalement, la situation sĠenvenima tellement que les rebelles mirent le feu à Jamestown. Si Bacon nĠétait pas mort, bien dĠautres événements se seraient produits. Bien sûr, la répression fut terrible, comme cela se passe habituellement lorsquĠune révolte sĠeffondre dĠelle-même ou est écrasée. Néanmoins, pendant sa brève période de succès, cette révolte corrigea nombre dĠabus. Je suis persuadée que, à lĠépoque, les partisans de lĠaction politique à tout prix, après que les réactionnaires furent revenus au pouvoir, ont dû sĠexclamer : «Regardez tous les maux que provoque lĠaction directe ! Notre colonie a fait un bond dĠau moins vingt-cinq ans en arrière» ; ils oubliaient que, si les colons nĠavaient pas recouru à lĠaction directe, les Indiens auraient pris leurs scalps un an plus tôt, au lieu que nombre dĠentre eux soient pendus par le gouverneur un an plus tard.
Dans la période dĠagitation et dĠexcitation qui précéda la révolution américaine, on assista à toutes sortes dĠactions directes, des plus pacifiques aux plus violentes; je crois que presque tous ceux qui étudient lĠhistoire des Etats-Unis trouvent que ces actions constituent la partie la plus intéressante de lĠhistoire, celle qui sĠimprègne le plus facilement dans leur mémoire.
Parmi les actions pacifiques, on peut citer notamment les accords de non-importation, les ligues pour porter des vêtements fabriqués dans la colonie et les «comités de correspondance» (9). Comme les hostilités se développaient inévitablement, lĠaction directe violente prit elle aussi de lĠampleur; par exemple, on détruisit les timbres fiscaux, on interdit le débarquement des cargaisons de thé, on les plaça dans des locaux humides, on les jeta dans les eaux du port, comme à Boston, on obligea un propriétaire dĠune cargaison de thé à mettre le feu à son propre bateau, comme à Annapolis.
Toutes ces actions sont décrites dans nos manuels dĠhistoire, et aucun auteur ne les condamne, ou ne les regrette, bien quĠil se soit agi à chaque fois dĠactions directes contre des autorités légalement constituées et contre le droit de propriété. Si je cite ces exemples et dĠautres de même nature, cĠest pour souligner deux points à lĠintention de ceux qui répètent certains arguments comme des perroquets : premièrement, les hommes ont toujours eu recours à lĠaction directe; et deuxièmement, ceux qui la condamnent aujourdĠhui sont également ceux qui lĠapprouvent dĠun point de vue historique.
George Washington dirigeait la Ligue des planteurs de Virginie contre les importations; un tribunal lui aurait certainement «enjoint» de ne pas créer une telle organisation et, sĠil avait insisté, il lui aurait infligé une amende pour offense à la Cour.
La Guerre de Sécession Lorsque le grand conflit entre le Nord et le Sud sĠintensifia, ce fut encore lĠaction directe qui précéda et précipita lĠaction politique. Et je ferai remarquer que lĠon nĠengage jamais, que lĠon nĠenvisage même jamais aucune action politique, tant que les esprits assoupis nĠont pas été réveillés par des actes de protestation directe contre les conditions existantes.
LĠhistoire du mouvement abolitionniste et de la Guerre de Sécession nous offre un énorme paradoxe, même si nous savons bien que lĠhistoire nĠest quĠune chaîne de paradoxes. Sur le plan politique, les États esclavagistes luttaient pour une plus grande liberté, pour lĠautonomie de chaque État et contre toute intervention du gouvernement fédéral ; par contre, les États non esclavagistes voulaient un État centralisé et fort, État que les sécessionnistes condamnaient avec raison parce quĠil allait donner naissance à des formes de pouvoir de plus en plus tyranniques. Et cĠest ce qui arriva. Depuis la fin de la guerre de Sécession, le pouvoir fédéral empiète de plus en plus sur les prérogatives de chaque État. Les négriers modernes (les industriels) se retrouvent continuellement en conflit avec le pouvoir centralisé contre lequel les esclavagistes dĠantan protestaient (la liberté à la bouche mais la tyrannie au cÏur). DĠun point de vue éthique, ce sont les États non esclavagistes qui, en théorie, prônaient une plus grande liberté, tandis que les sécessionnistes défendaient le principe de lĠesclavage. Mais cette position éthiquement juste était très abstraite : en effet, la majorité des Nordistes, qui nĠavaient jamais côtoyé dĠesclaves noirs, pensaient que cette forme dĠexploitation était probablement une erreur ; mais ils nĠétaient pas pressés de la faire disparaître. Seuls les abolitionnistes, une infime minorité, avaient une véritable position éthique : à leurs yeux seule importait lĠabolition de lĠesclavage Ñ ils ne se souciaient pas de la sécession ni de lĠunion entre les États américains. Au point que beaucoup dĠentre eux prônaient la dissolution de lĠUnion ; ils pensaient que le Nord devaient en prendre lĠinitiative afin que les Nordistes ne soient plus accusés de maintenir les Noirs prisonniers de leurs chaînes.
Bien sûr, toutes sortes de gens ayant toutes sortes dĠidées voulaient abolir lĠesclavage: des quakers comme Whittier (10) (les quakers, ces partisans de la paix à tout prix, furent en fait les premiers partisans de lĠabolition de lĠesclavage, dès leur arrivée en Amérique) ; des partisans modérés de lĠaction politique qui voulaient racheter les esclaves pour résoudre le problème rapidement; et puis des gens extrêmement violents qui croyaient en la violence et menèrent toutes sortes dĠactions radicales.
En ce qui concerne les politiciens, pendant trente ans ils essayèrent de se défiler, de conclure des compromis, de marchander, de maintenir le statut quo, dĠamadouer les deux parties, alors que la situation exigeait des actes, ou au moins une parodie dĠaction. Mais «les étoiles dans leur course combattirent contre Sisera (11)», le système sĠeffondra de lĠintérieur et, sans éprouver le moindre remords, les partisans de lĠaction directe agrandirent les fissures de lĠédifice esclavagiste.
Parmi les différentes expressions de la révolte directe mentionnons lĠorganisation du «chemin de fer souterrain». La plupart de ceux qui y participèrent soutenaient les deux formes dĠaction (directe et politique); cependant, même si, en théorie, ils pensaient que la majorité avait le droit dĠédicter et dĠappliquer des lois, ils nĠy croyaient pas totalement. Mon grand-père avait fait partie de ce réseau clandestin et aidé de nombreux esclaves à rejoindre le Canada. CĠétait un homme attaché aux règles, dans la plupart des domaines, même si jĠai souvent pensé quĠil respectait la loi parce quĠil avait rarement affaire à elle ; ayant toujours mené la vie dĠun pionnier, la loi le touchait généralement dĠassez loin, alors que lĠaction directe avait pour lui la valeur dĠun impératif. Quoi quĠil en soit, et aussi légaliste fût-il, il nĠéprouvait aucun respect pour les lois esclavagistes, même si elles avaient été votées à une majorité de 500 pour cent. Et il violait consciemment toutes celles qui lĠempêchaient dĠagir.
Parfois, le bon fonctionnement du «chemin de fer souterrain» exigeait lĠusage de la violence, et on lĠemployait. Je me souviens quĠune vieille amie me raconta quĠelle et sa mère avaient surveillé leur porte toute la nuit, pendant quĠun esclave recherché se cachait dans leur cave. Toutes deux avaient beau descendre de familles quakers et sympathiser avec leurs idées, elles avaient un fusil de chasse à portée de main, sur la table. Heureusement, elles nĠeurent pas besoin de tirer, ce soir-là.
Lorsque la loi sur les esclaves évadés fut votée, grâce à certains politiciens du Nord qui voulaient encore amadouer les propriétaires dĠesclaves, les partisans de lĠaction directe décidèrent de libérer les esclaves qui avaient été repris. Il y eut lĠ«opération Shadrach» puis lĠopération «Jerry» (cette dernière sous la direction du fameux Gerrit Smith), et bien dĠautres qui réussirent ou échouèrent. Cependant les politiciens continuèrent leurs manÏuvres et tentèrent de concilier lĠinconciliable. Les partisans de la paix à tout prix, les plus légalistes, dénoncèrent les abolitionnistes, un peu de la même façon que des gens comme William D. Haywood (12) et Frank Bohn (13) sont dénoncés par leur propre parti aujourdĠhui.
John Brown LĠautre jour, jĠai lu dans le quotidien Daily Socialistde Chicago une lettre du secrétaire du Socialist Party de Louisville au secrétaire national. M. Dobbs demandait que lĠon remplace M. Bohn, qui devait venir parler dans sa ville, par un orateur plus responsable et plus raisonnable. Pour expliquer sa démarche, il citait un passage de la conférence de Bohn: « Si les frères McNamara avaient défendu avec succès les intérêts de la classe ouvrière, ils auraient eu raison, de même que John Brown aurait eu raison sĠil avait réussi à libérer les esclaves. Pour John Brown, comme pour les McNamara, lĠignorance était leur seul crime.»
Et M. Dobbs de faire le commentaire suivant. «Nous nous élevons fermement contre de tels propos. Cette comparaison entre la révolte ouverte Ñ même si elle était erronée Ñ de John Brown dĠun côté, et les méthodes clandestines et meurtrières des frères McNamara de lĠautre, est le fruit dĠun raisonnement creux qui conduit à des conclusions logiques très dangereuses.»
M. Dobbs ignore certainement ce que furent la vie et les actions de John Brown. Ce partisan convaincu de la violence aurait traité avec mépris quiconque aurait essayé de le faire passer pour un agneau. Et une fois quĠune personne croit en la violence, cĠest à elle seule de décider quelle est la façon la plus efficace de lĠappliquer, en fonction des conditions concrètes et de ses propres moyens. John Brown nĠhésita jamais à utiliser des méthodes conspiratives. Ceux qui ont lu lĠ Autobiographie de Frederick Douglass(14) et les Souvenirsde Lucy Colman (15) savent que John Brown avait prévu dĠorganiser une série de camps fortifiés dans les montagnes de la Virginie-Occidentale, de la Caroline du Nord et du Tennessee, dĠenvoyer des émissaires secrets parmi les esclaves pour les inciter à venir se réfugier dans ces camps, et ensuite réfléchir aux mesures et aux conditions nécessaires pour fomenter la révolte chez les Noirs. Ce plan échoua surtout parce que les esclaves eux-mêmes ne désiraient pas assez fortement la liberté.Plus tard, lorsque des politiciens à lĠesprit tortueux, toujours soucieux de ne rien faire, votèrent la loi Kansas-Nebraska qui laissait les colons décider seuls de la légalité de lĠesclavage, les partisans de lĠaction directe, dans les deux camps, envoyèrent de pseudo-colons dans ces territoires et ceux-ci sĠaffrontèrent. Les partisans de lĠesclavage arrivèrent les premiers; ils rédigèrent une constitution qui reconnaissaitlĠesclavage et une loi punissant de mort toute personne qui aiderait un esclave à sĠéchapper; mais les Free Soilers (16), qui arrivèrent un peu plus tard parce quĠils venaient dĠÉtats plus éloignés, rédigèrent une seconde constitution, et refusèrent de reconnaître les lois de leurs adversaires. John Brown se trouvait parmi eux et utilisa la violence, tantôt ouvertement tantôt clandestinement. Les politiciens décents, favorables à la paix sociale, le considéraient comme un «voleur de chevaux et un assassin». Et il ne fait pas le moindre doute quĠil vola des chevaux, sans prévenir personne de son intention de les dérober, et quĠil tua des partisans de lĠesclavage. Il se battit et réussit à sĠen tirer un bon nombre de fois avant quĠil tente de sĠemparer de lĠarsenal de Harpers Ferry (17). SĠil nĠutilisa pas la dynamite, cĠest seulement parce quĠelle nĠétait pas encore une arme très répandue à lĠépoque. Il attenta à la vie de beaucoup plus de gens que les frères McNamara, dont M. Dobbs condamne les «méthodes meurtrières». Pourtant les historiens ont compris la portée des actions de John Brown. Cet homme violent, qui avait du sang sur les mains, fut condamné et pendu pour haute trahison ; mais tout le monde sait que cĠétait une âme forte et belle, désintéressée, qui ne pouvait supporter que quatre millions dĠhommes soient traités comme des animaux. John Brown pensait que combattre cette injustice, ce crime horrible, était un devoir sacré quĠil accomplissait sur lĠordre de Dieu Ñ car cet homme très religieux appartenait à lĠEglise presbytérienne.
CĠest grâce aux actions, pacifiques ou violentes, des précurseurs du changement social que la Conscience Humaine, la conscience des masses, sĠéveille au besoin du changement. Il serait absurde de prétendre quĠaucun résultat positif nĠa jamais été obtenu par les moyens politiques traditionnels ; parfois de bonnes choses en résultent. Mais jamais tant que la révolte individuelle, puis la révolte des masses ne lĠimposent. LĠaction directe est toujours le héraut, lĠélément déclencheur, qui permet à la grande masse des indifférents de prendre conscience que lĠoppression devient intolérable.
Les luttes actuelles contre lĠesclavage salarié Nous subissons maintenant lĠoppression dans ce pays Ñ et pas seulement ici, mais dans toutes les parties du monde qui jouissent des bienfaits fort contrastés de la civilisation. Et de même que lĠancien esclavage, le nouveau provoque à la fois des actions directes et des actions politiques. Une fraction de la population américaine produit la richesse matérielle qui permet à tous de vivre ; exactement de la même façon que quatre millions dĠesclaves noirs entretenaient la foule de parasites qui les commandaient. AujourdĠhui ce sont les travailleurs agricoleset les ouvriers dĠindustrie.
A travers lĠaction imprévisible dĠinstitutions quĠaucun dĠeux nĠa créées, mais qui sévissent depuis leur naissance, ces travailleurs, la partie la plus indispensable de toute la structure sociale, sans le travail desquels personne ne pourrait ni manger, ni sĠhabiller, ni se loger, ces travailleurs, disais-je, sont justement ceux qui disposent du moins de nourriture, de vêtements et des pires logements Ñ sans parler des autres bienfaits que la société est censée leur dispenser, comme lĠéducation et lĠaccès aux plaisirs artistiques.
Ces ouvriers ont, dĠune façon ou dĠune autre, joint leurs efforts pour que leur condition sĠaméliore; en premier lieu par lĠaction directe, en second lieu par lĠaction politique. Nous avons des groupes comme la Grange (18), les FarmersĠ Alliances (19), les coopératives, les colonies expérimentales, les Knights of Labor (20), les syndicats et les Industrial Workers of the World. Tous ont organisé les travailleurs pour alléger le poids de lĠexploitation, pour des prix meilleur marché, des conditions de travail moins catastrophiques, et une journée de travail un peu plus courte; ou contre une réduction de salaire, la détérioration des conditions de travail ou lĠallongement des horaires.
Aucun de ces groupes, à part les IWW, nĠa reconnu quĠil existe une guerre sociale et quĠelle se poursuivra tant que se perpétueront les conditions sociales et juridiques actuelles. Ils ont accepté les institutions fondées sur la propriété privée, telles quĠelles étaient. Ces organisations regroupent des gens ordinaires, aux aspirations ordinaires, et elles ont entrepris de faire ce quĠil leur semblait possible et raisonnable dĠaccomplir. Lors de la création de ces groupes, ces militants ne se sont pas engagés sur un programme politique particulier, ils se sont associés pour mener une action directe, décidée par eux-mêmes, offensive ou défensive.
Il y a vingt-deux ans, jĠai rencontré des militants des FarmersĠ Alliances, des Knights of Labor et des syndicalistes qui mĠont dit cela. Ils voulaient lutter pour des objectifs plus larges que ceux que proposés par leurs organisations; mais ils devaient aussi accepter leurs camarades de travail comme ils étaient, et essayer de les inciter à lutter pour des objectifs immédiats quĠils percevaient clairement: prix plus justes, salaires plus élevés, conditions de travail moins dangereuses ou moins tyranniques, semaine de travail moins longue. A lĠépoque où sont nés ces mouvements, les travailleurs agricoles ne pouvaient pas comprendre que leur lutte convergeait avec le combat des ouvriers des usines ou des transports ; et ces derniers ne voyaient pas non plus leurs points communs avec le mouvement des paysans. DĠailleurs, même aujourdĠhui, peu dĠentre eux le comprennent. Ils doivent encore apprendre quĠil nĠexiste quĠune seule lutte commune contre ceux qui se sont approprié les terres, les capitaux et les machines.
Malheureusement les grandes organisations paysannes ont gaspillé leur énergie en sĠengageant dans une course stupide au pouvoir politique. Elles ont réussi à prendre le pouvoir dans certains États, mais les tribunaux ont déclaré que les lois votées nĠétaient pas constitutionnelles, et toutes leurs conquêtes politiques ont été enterrées. A lĠorigine, leur programme visait à construire leurs propres silos, y stocker les produits et les tenir à lĠécart du marché jusquĠà ce quĠils puissent échapper aux spéculateurs. Ils voulaient aussi organiser des échanges de services et imprimer des billets de crédit pour les produits déposés afin de payer ces échanges. Si ce programme dĠaide mutuelle directe avait fonctionné, il aurait montré, dans une certaine mesure, au moins pendant un temps, comment lĠhumanité peut se libérer du parasitisme des banquiers et des intermédiaires. Bien sûr, ce projet aurait fini par être liquidé, à moins que sa vertu exemplaire nĠait bouleversé tellement lĠesprit des hommes quĠil leur ait donné envie de mettre fin au monopole légal de la terre et des capitaux; mais au moins ce projet aurait eu un rôle éducatif fondamental. Malheureusement, ce mouvement poursuivit une chimère et se désintégra surtout à cause de sa futilité.
Les Knights of Labor sont eux aussi devenus pratiquement insignifiants, non pas parce quĠils nĠont pas eu recours à lĠaction directe, ni parce quĠils se sont mêlés de politique, mais parce quĠil sĠagissait dĠune masse dĠouvriers trop hétérogène pour réussir à conjuguer efficacement leurs efforts.
Pourquoi les patrons ont peur des grèves Les syndicats ont atteint une taille bien plus imposante que celle des Knights of Labor et leur pouvoir a continué à croître, lentement mais sûrement. Certes cette croissance a connu des fluctuations, des reculs ; de grandes organisations ont surgi puis disparu. Mais dans lĠensemble, les syndicats constituent un pouvoir en plein développement. Malgré leurs faibles ressources, ils ont offert, à une certaine fraction des travailleurs, un moyen dĠunir leurs forces, de faire pression directement sur leurs maîtres et dĠobtenir ainsi une petite partie de ce quĠils voulaient Ñ de ce quĠils devaient essayer dĠobtenir, vu leur situation. La grève est leur arme naturelle, celle quĠils se sont forgée eux-mêmes. Neuf fois sur dix, les patrons redoutent la grève Ñ même si, bien sûr, il peut arriver que certains sĠen réjouissent, mais cĠest plutôt rare. Les patrons savent quĠils peuvent gagner contre les grévistes, mais ils ont terriblement peur que leur production sĠinterrompe. Par contre, ils ne craignent nullement un vote qui exprimerait «la conscience de classe» des électeurs; à lĠatelier, vous pouvez discuter du socialisme, ou de nĠimporte quel autre programme ; mais le jour où vous commencez à parler de syndicalisme, attendez-vous à perdre votre travail ou au moins à ce que lĠon vous menace et que lĠon vous ordonne de vous taire. Pourquoi? Le patron se moque de savoir que lĠaction politique nĠest quĠune impasse où sĠégare lĠouvrier, et que le socialisme politique est en train de devenir un mouvement petit-bourgeois. Il est persuadé que le socialisme est une très mauvaise chose Ñ mais il sait aussi que celui-ci ne sĠinstaurera pas demain. Par contre, si tous ses ouvriers se syndiquent, il sera immédiatement menacé. Son personnel aura lĠesprit rebelle, il devra dépenser de lĠargent pour améliorer les conditions de travail, il sera obligé de garder des gens quĠil nĠaime pas et, en cas de grève, ses machines ou ses locaux seront peut-être endommagés.
On dit souvent, et on le répète parfois jusquĠà la nausée, que les patrons ont une «conscience de classe», quĠils sont solidement soudés pour défendre leurs intérêts collectifs, et sont prêts individuellement à subir toutes sortes de pertes plutôt que de trahir leurs prétendus intérêts communs. Ce nĠest absolument pas vrai. La majorité des capitalistes sont exactement comme la plupart des ouvriers : ils se préoccupent beaucoup plus de leurs pertes personnelles (ou de leurs gains) que des pertes (ou des victoires) de leur classe. Et lorsquĠun syndicat menace un patron, cĠest à son portefeuille quĠil sĠen prend.
Toute grève est synonyme de violence AujourdĠhui chacun sait quĠune grève, quelle que soit sa taille, est synonyme de violence. Même si les grévistes ont une préférence morale pour les méthodes pacifiques, ils savent parfaitement que leur action causera des dégâts. Lorsque les employés du télégraphe font grève, ils sectionnent des câbles et scient des pylônes, tandis que les jaunes bousillent leurs instruments de travail parce quĠils ne savent pas les utiliser. Les sidérurgistes sĠaffrontent physiquement aux briseurs de grève, cassent des carreaux, détraquent certains appareils de mesure, endommagent des laminoirs qui coûtent très cher et détruisent des tonnes de matières premières. Les mineurs endommagent des pistes et des ponts et font sauter des installations. SĠil sĠagit dĠouvriers, ou dĠouvrières, du textile, un incendie dĠorigine inconnue éclate, des pierres volent à travers une fenêtre apparemment inaccessible ou une brique est lancée sur la tête dĠun patron. Quand les employés des tramways font grève, ils arrachent les rails ou élèvent des barricades sur les voies avec des charrettes ou des wagons retournés, des clôtures volées, des voitures incendiées. Lorsque les cheminots se mettent en colère, des moteurs « expirent», des locomotives folles démarrent sans conducteur, des chargements déraillent et des trains sont bloqués. SĠil sĠagit dĠune grève du bâtiment, les travailleurs dynamitent des constructions. Et à chaque fois, des combats éclatent entre dĠun côté les briseurs de grève et les jaunes et, de lĠautre, les grévistes et leurs sympathisants, entre le Peuple et la Police.
Pour les patrons, une grève sera synonyme de projecteurs, de fil de fer barbelé, de palissades, de locaux de détention, de policiers et dĠagents provocateurs, de kidnappings violents et dĠexpulsions. Ils inventeront tous les moyens possibles pour se protéger directement, sans compter lĠultime recours à la police, aux milices, aux brigades spéciales et aux troupes fédérales.
Tout le monde sait cela et sourit lorsque les responsables syndicaux protestent, affirmant que leurs organisations sont pacifiques et respectent les lois. Tout le monde est conscient quĠils mentent. Les travailleurs savent que les grévistes utilisent la violence, à la fois ouvertement et clandestinement, et quĠils nĠont pas dĠautres moyens, sĠils ne veulent pas capituler immédiatement. Et la population ne confond pas les grévistes qui sont obligés de recourir à la violence avec les crapules destructrices qui les provoquent délibérément. Généralement, les gens comprennent que les grévistes agissent ainsi parce quĠils sont poussés par la dure logique dĠune situation quĠils nĠont pas créée, mais qui les force à attaquer pour survivre, sinon ils seront obligés de tomber tout droit dans la misère jusquĠà ce que la mort les frappe, à lĠhospice, dans les rues des grandes villes ou sur les berges boueuses dĠune rivière. Telle est lĠhorrible situation devant laquelle se trouvent les ouvriers; ce sont les êtres les plus humains Ñ ils font un détour pour soigner un chien blessé, ou ramener chez eux un chiot et le nourrir, ou sĠécartent dĠun pas pour ne pas écraser un ver de terre Ñ et ils recourent à la violence contre leurs congénères. Ils savent, parce que la réalité le leur a appris, que cĠest lĠunique façon de gagner, si tant est quĠils puissent gagner quelque chose. «Vous nĠavez quĠà mieux voter aux prochaines élections!» affirment certains. Il mĠa toujours semblé quĠil sĠagit de lĠune des réponses les plus ridicules quĠune personne puisse faire, lorsquĠun gréviste lui demande de lĠaide face à une situation matérielle délicate, et alors que les élections auront lieu dans six mois, un an voire deux ans.
Malheureusement, ceux qui savent comment la violence est utilisée dans la guerre des syndicats contre les patrons ne prennent pas publiquement la parole pour dire: «Tel jour, à tel endroit, telle action spécifique a été entreprise; telles et telles concessions ont été accordées à la suite de cette action ; tel patron a capitulé.» Agir ainsi mettrait en péril leur liberté et leur pouvoir de continuer le combat. CĠest pourquoi ceux qui sont les mieux informés doivent se taire et ricaner discrètement en écoutant les ignorants pérorer. Pourtant seule la connaissance des faits peut éclaircir leur position.
Les adversaires de lĠaction directe Ces dernières semaines, certains nĠont pas été avares de paroles creuses. Des orateurs et des journalistes, honnêtement convaincus de lĠefficacité de lĠaction politique, persuadés quĠelle seule peut permettre aux ouvriers de remporter la bataille, ont dénoncé les dommages incalculables causés par ce quĠils appellent lĠaction directe (ils veulent dire en fait la «violence conspiratrice»).
Un certain Oscar Ameringer, par exemple, a récemment déclaré, lors dĠun meeting à Chicago, que la bombe lancée à Haymarket Square en 1886 avait fait reculer le mouvement pour la journée de huit heures dĠun quart de siècle. DĠaprès lui, ce mouvement aurait été victorieux si la bombe nĠavait pas été lancée. Ce monsieur commet une grave erreur.
Personne nĠest capable de mesurer précisément lĠeffet positif ou négatif dĠune action, à lĠéchelle de plusieurs mois ou de plusieurs années. Personne ne peut démontrer que la journée de huit heures aurait pu devenir obligatoire vingt-cinq ans auparavant.
Nous savons que les législateurs de lĠIllinois ont voté une loi pour la journée de 8 heures en 1871 et que ce texte est resté lettre morte. On ne peut pas davantage démontrer que lĠaction directe des ouvriers aurait pu lĠimposer. Quant à moi, je pense que des facteurs beaucoup plus puissants que la bombe de Haymarket ont joué un rôle.
DĠun autre côté, si lĠon croit que lĠinfluence négative de la bombe a été si puissante, alors les conditions de travail et lĠexercice des activités syndicales devraient être bien plus difficiles à Chicago que dans les villes où rien dĠaussi grave ne sĠest produit. Pourtant on constate le contraire. Même si les conditions des travailleurs y sont déplorables, elles sont bien moins mauvaises à Chicago que dans dĠautres grandes villes, et le pouvoir des syndicats y est plus développé que dans nĠimporte quel autre endroit, excepté San Francisco. Si lĠon veut donc absolument tirer des conclusions à propos des effets de la bombe de Haymarket, il faut tenir compte de ces faits avant dĠavancer une hypothèse. En ce qui me concerne, je ne pense pas que cet événement ait joué un rôle important dans lĠévolution du mouvement ouvrier.
Et il en sera de même avec la vigoureuse actuelle contre la violence. Rien nĠa fondamentalement changé. Deux hommes ont été emprisonnés pour ce quĠils ont fait (il y a vingt-quatre ans, leurs semblables ont été pendus pour des actes quĠils nĠavaient pas commis) et quelques autres seront peut-être incarcérés. Mais les forces de la Vie continueront à se révolter contre leurs chaînes économiques. Cette révolte ne faiblira pas, peu importe le parti qui remportera ou perdra les élections, jusquĠà ces chaînes soient brisées.
Comment pourrons-nous briser nos chaînes ? Les partisans de lĠaction politique nous racontent que seule lĠaction électorale du parti de la classe ouvrière pourra atteindre un tel résultat; une fois élus, ils entreront en possession des sources de la Vie et des moyens de production; ceux qui aujourdĠhui possèdent les forêts, les mines, les terres, les canaux, les usines, les entreprises et qui commandent aussi au pouvoir militaire à leur botte, en bref les exploiteurs, abdiqueront demain leur pouvoir sur le peuple dès le lendemain des élections quĠils auront perdues.
Et en attendant ce jour béni?
En attendant, soyez pacifiques, travaillez bien, obéissez aux lois, faites preuve de patience et menez une existence frugale (comme Madero (21) le conseilla aux paysans mexicains après les avoir vendus à Wall Street).
Si certains dĠentre vous sont privés de leurs droits civiques, ne vous révoltez même pas contre cette mesure, cela risquerait de «faire reculer le parti».
Action politique et action directe JĠai déjà dit que, parfois, lĠaction politique obtient quelques résultats positifs Ñ et pas toujours sous la pression des partis ouvriers, dĠailleurs. Mais je suis absolument convaincue que les résultats positifs obtenus occasionnellement sont annulés par les résultats négatifs; de même que je suis convaincue que, si lĠaction directe a parfois des conséquences négatives, celles-ci sont largement compensées par les conséquences positives de lĠaction directe.
Presque toutes les lois originellement conçues pour le bénéfice des ouvriers sont devenues une arme entre les mains de leurs ennemis, ou bien sont restées lettre morte, sauf lorsque le prolétariat et ces organisations ont imposé directement leur application. En fin de compte, cĠest toujours lĠaction directe qui a le rôle moteur. Prenons par exemple la loi antitrusts censée bénéficier au peuple en général et à la classe ouvrière en particulier. Il y environ deux semaines, 250 dirigeants syndicaux ont été cités en justice. La compagnie de chemins de fer Illinois Central les accusait en effet dĠavoir formé un trust en déclenchant une grève !
Mais la foi aveugle en lĠaction indirecte, en lĠaction politique, a des conséquences bien plus graves: elle détruit tout sens de lĠinitiative, étouffe lĠesprit de révolte individuelle, apprend aux gens à se reposer sur quelquĠun dĠautre afin quĠil fasse pour eux ce quĠils devraient faire eux-mêmes; et enfin elle fait passer pour naturelle une idée absurde: il faudrait encourager la passivité des masses jusquĠau jour où le parti ouvrier gagnera les élections; alors, par la seule magie dĠun vote majoritaire, cette passivité se transformera tout à coup en énergie. En dĠautres termes, on veut nous faire croire que des gens qui ont perdu lĠhabitude de lutter pour eux-mêmes en tant quĠindividus, qui ont accepté toutes les injustices en attendant que leur parti acquière la majorité; que ces individus vont tout à coup se métamorphoser en véritables «bombes humaines», rien quĠen entassant leurs bulletins dans les urnes !
Les sources de la Vie, les richesses naturelles de la Terre, les outils nécessaires pour une production coopérative doivent devenir accessibles à tous. Le syndicalisme doit élargir et approfondir ses objectifs, sinon il disparaîtra ; et la logique de la situation forcera graduellement les syndicalistes à en prendre conscience. Les problèmes des ouvriers ne pourront jamais être résolus en tabassant des jaunes, tant que des cotisations élevées et dĠautres restrictions limiteront les adhésions au syndicat et pousseront certains travailleurs à aider les patrons. Les syndicats se développeront moins en combattant pour des salaires plus élevés quĠen luttant pour une semaine de travail plus courte, ce qui permettra dĠaugmenter le nombre de leurs membres, dĠaccepter tous ceux qui veulent adhérer. Si les syndicats veulent gagner des batailles, tous les ouvriers doivent sĠallier et agir ensemble, agir rapidement (sans en avertir les patrons à lĠavance) et profiter de leur liberté dĠagir ainsi à chaque fois. Et si, un jour, les syndicats regroupent tous les ouvriers, aucune conquête ne sera permanente, à moins quĠils se mettent en grève pour tout obtenir Ñ pas une augmentation de salaire, ni une amélioration secondaire, mais toutes les richesses de la nature Ñ et quĠils procèdent, dans la foulée, à lĠexpropriation directe et totale !
Le pouvoir des ouvriers ne réside pas dans la force de leur vote, mais dans leur capacité à paralyser la production. La majorité des électeurs ne sont pas des ouvriers. Ceux-ci travaillent à un endroit aujourdĠhui, à un autre demain, ce qui empêche un grand nombre dĠentre eux de voter ; un grand pourcentage des ouvriers dans ce pays sont des étrangers qui nĠont pas le droit de voter. Les dirigeants socialistes le savent parfaitement. La preuve? Ils affadissent leur propagande sur tous les points afin de gagner le soutien de la classe capitaliste, du moins des petits entrepreneurs. Selon la presse socialiste, des spéculateurs de Wall Street assurent quĠils sont prêts à acheter des actions de Los Angeles à un administrateur socialiste aussi bien quĠà un administrateur capitaliste. Les journaux socialistes prétendent que lĠadministration actuelle de Milwaukee a créé une situation économique très favorable aux petits investisseurs ; leurs articles publicitaires conseillent aux habitants de cette ville de se rendre chez Dupont ou Durand sur Milwaukee Avenue, qui les servira aussi bien quĠun grand magasin dépendant dĠune grosse chaîne commerciale. En clair, parce que nos socialistes savent quĠils ne pourront pas obtenir une majorité sans les voix de cette classe sociale, ils essaient désespérément de gagner le soutien (et de prolonger la vie) de la petite-bourgeoisie que lĠéconomie socialiste fera disparaître.
Au mieux, un parti ouvrier pourrait, en admettant que ses députés restent honnêtes, former un solide groupe parlementaire qui conclurait des alliances ponctuelles avec tel ou tel autre groupe afin dĠobtenir quelques mini-réformes politiques ou économiques.
Mais lorsque la classe ouvrière sera regroupée dans une seule grande organisation syndicale, elle pourra montrer à la classe possédante, en cessant brusquement le travail dans toutes les entreprises, que toute la structure sociale repose sur le prolétariat; que les biens des patrons nĠont aucune valeur sans lĠactivité des travailleurs; que des protestations comme les grèves sont inhérentes à ce système fondé sur la propriété privée et quĠelles se reproduiront tant quĠil ne sera pas aboli. Et, après lĠavoir montré dans les faits, les ouvriers exproprieront tous les possédants.
«Mais le pouvoir militaire, objectera le partisan de lĠaction politique, nous devons dĠabord obtenir le pouvoir politique, sinon on utilisera lĠarmée contre nous!»
Contre une véritable grève générale, lĠarmée ne peut rien. Oh, bien sûr, si vous avez un socialiste dans le genre dĠAristide Briand (22) au pouvoir, il sera prêt à déclarer que les ouvriers sont tous des «serviteurs de lĠEtat» et à essayer de les faire travailler contre leurs propres intérêts. Mais contre le solide mur dĠune masse dĠouvriers immobiles, même un Briand se cassera les dents.
En attendant, tant que la classe ouvrière internationale ne se réveillera pas, la guerre sociale se poursuivra, malgré toutes les déclarations hystériques de tous ces individus bien intentionnés qui ne comprennent pas que les nécessités de la Vie puissent sĠexprimer; malgré la peur de tous ces dirigeants timorés; malgré toutes les revanches que prendront les réactionnaires; malgré tous les bénéfices matériels que les politiciens retirent dĠune telle situation. Cette guerre de classe se poursuivra parce que la Vie crie son besoin dĠexister, quĠelle étouffe dans le carcan de la Propriété, et quĠelle ne se soumet pas.
Et que la Vie ne se soumettra pas.
Cette lutte durera tant que lĠhumanité ne se libérera pas elle-même pour chanter lĠHymne à lĠHomme de Swinburne (23):
«Gloire à lĠHomme dans ses plus beaux exploits
Car il est le maître de toutes choses.»
Notes du traducteur
1. Le 10 octobre 1910, James et Joseph McNamara, respectivement membres des syndicat des typographes et du bâtiment, posèrent une bombe à proximité du Los Angeles Times,bombe censée causer uniquement des dégâts matériels. Malheureusement lĠexplosion déclencha un violent incendie et 21 employés du journal moururent suite à cet attentat. Les deux frères, sur le conseil de leur avocat Clarence Darrow, plaidèrent coupables et évitèrent la peine de mort.
2. IWW (Industrial Workers of the World) ou Wobblies.... Syndicat révolutionnaire fondé en 1905 par des syndicalistes radicaux qui sĠopposaient à la politique conservatrice et pro-patronale de lĠAmerican Federation of Labor. Les Wobblies comprenaient beaucoup de membres du Socialist Party of America, du Socialist Labor Party et dĠautres groupes radicaux de gauche. Pendant les années 1910, les IWW jouèrent un rôle important dans la lutte pour les droits des travailleurs américains. Des militants célèbres comme John Reed (auteur du classique Dix jours qui ébranlèrent le monde),Mother Jones, Big Bill Haywod, Joe Hill et dĠautres prirent parti pour lĠidée dĠun «grand syndicat unique» en espérant que les travailleurs du monde entier pourraient sĠunir et combattre ensemble contre leurs oppresseurs capitalistes. De 1905 à 1920 les IWW organisèrent des centaines de milliers dĠouvriers dans les mines, les usines et chez les paysans. Ils ne regroupèrent jamais plus de 150 000 membres à la fois mais près de 3 millions de personnes y appartinrent à un moment ou un autre. Les IWW étaient surtout implantés dans lĠouest des États Unis où ils organisaient ensemble femmes et hommes, Noirs et Blancs, les immigrés et Américains dans des syndicats dĠindustrie, non catégoriels. Leur but explicite était de renverser le capitalisme et beaucoup de ses membres sympathisèrent avec la révolution dĠOctobre. Le gouvernement lança une répression féroce contre les IWW en 1917 et lĠinfluence du syndicat baissa rapidement. Cette organisation, aujourdĠhui anarcho-syndicaliste, existe encore, mais ne regroupe que quelques centaines de militants.
3. Socialist Party: créé en 1901, ce parti compte plus de mille élus (dont un membre du Congrès) en 1912 et joue à lĠépoque un rôle influent dans les syndicats de lĠAmerican Federation of Labor. Les trois dirigeants les plus importants furent Eugene Debs, Daniel De Leon et William D. Haywood. Ce dernier, partisan de lĠaction directe, fut exclu du parti en 1913 après une longue discussion au terme de laquelle le parti décida que «lĠutilisation de la violence et du sabotage, méthodes destinées à la guerre de guérilla, démoralise ceux qui emploient de telles méthodes et ouvrent la porte aux agents provocateurs».
4. Les eaux de Siloé: allusion à un réservoir qui constituait le seul point dĠeau permanent de Jérusalem au VIIe siècle avant J.-C. Elles avaient la réputation dĠavoir des vertus thérapeutiques, puiquĠil y est fait allusion dans lĠévangile selon Jean.
5. Quakers: mouvement né en 1647 dĠune révolte contre lĠEglise anglicane. Persécutés en Angleterre comme en Amérique où ils sĠétablirent dès 1681, ils jouèrent un rôle important dans la lutte contre lĠesclavage.
6. Puritains. Ce terme désigne au départ un groupe de presbytériens rigides qui voulaient «purifier» lĠEglise anglicane des restes de lĠinfluence catholique. Ils commencèrent à émigrer en 1620, en Virginie et en Nouvelle-Angleterre, notamment, pour constituer des communautés fermées. Pendant presque un siècle, ils essayèrent dĠimposer leurs normes intolérantes et persécutèrent tous ceux qui ne pensaient pas comme eux. Leur attachement au sens littéral de la Bible, qui les caractérise, a influencé toute lĠhistoire américaine jusquĠà aujourdĠhui Ñ comme en témoignent de nombreux aspects de la culture des États-Unis.
7. La dernière dĠentre elles sĠappelait Mary Dyer, mère de six enfants, pendue à un arbre en 1660 à Boston. De 1660 à 1677, les sÏurs Wright, Mary, Hannah et Lydia vinrent successivement protester à Boston contre les persécutions dont étaient victimes les quakers. Elles furent à chaque fois, emprisonnées, jugées puis expulsées de la ville. Les quakers étaient dénudé(e)s jusquĠà la ceinture, attaché(e)s à une charrette et fouetté(e)s dans les rues avant dĠêtre chassé(e)s de la colonie. Lydia accompagna à Boston Margaret Brewster qui entra dans une église puritaine, vêtue comme une pénitente, pieds nus, cheveux au vent, des cendres sur la tête, et un sac recouvrant ses vêtements.
8. Nathaniel Bacon (1647-1676) dirigea en 1676 un groupe de colons révoltés qui sĠemparèrent de la ville de Jamestown et lĠincendièrent pour obtenir des réformes et une plus grande participation dans le gouvernement de la Virginie.
>9. Les comités de correspondance furent créés en 1774 pour rassembler les doléances des Américains contre les Britanniques.
10. John Whittier (1807-1892) poète américain opposé à lĠesclavage. Au sud-est de Los Angeles, en Californie, il existe une ville fondée par les quakers et qui porte son nom.
11. La citation est extraite du livre des Juges5, 20: «Du haut des cieux, les étoiles ont combattu, de leurs sentiers, elles ont combattu Sisera.» LĠAncien Testament fait allusion à une intervention miraculeuse des étoiles en faveur des Juifs au cours de leur bataille contre le général Sisera.
11. Gerrit Smith (1797-) Philanthrope et réformateur social, seul membre du Congrès partisan de lĠabolition de lĠesclavage il finança John Brown et fut impliqué dans lĠattaque de lĠarsenal de Harpers Ferry. Avocat de lĠégalité des femmes, il pensait néanmoins que les Noirs devaient obtenir le droit de vote avant les femmes.
12. William D. (dit «Big Bill) Haywood (1869-) Travaille comme mineur dès lĠâge de 9 ans et perd un Ïil à la suite dĠun accident de travail. Suite aux sévères défaites subies par les mineurs à partir de 1901, il développe lĠidée dĠun «grand syndicat unique» et joue un rôle important dans la création des IWW. En 1917, le gouvernement arrête Haywood et une centaine dĠautres militants en les accusant dĠespionnage et aussi parce quĠils ont appelé à des grèves en temps de guerre. Big Bill est condamné à une lourde peine de prison, mais sĠenfuit en Union soviétique où il meurt en 1928.
13. Frank Bohn, ce militant de la gauche du Socialist Party et des IWW tourna fort mal puisquĠil termina sa carrière comme député du Parti républicain!
14. Frederick Douglass (1817-1895). Fils dĠun Blanc et dĠune esclave noire, il ne connut jamais son père et fut séparé très jeune de sa mère. Il vécut jusquĠà lĠâge de 8 ans sur une plantation puis fut envoyé à Baltimore comme domestique. La femme de son maître lui apprit à lire, bien que ce fût illégal. Il dut retourner ensuite travailler sur la plantation. A 21 ans il sĠéchappa et devint un conférencier et journaliste célèbre. Partisan du droit de vote des femmes, il occupa plusieurs postes dans lĠadministration. Son autobiographie écrite en 1845 est un classique: Mémoires d'un esclave américain, traduit de l'anglais par Fanchita Gonzalez, Paris, F. Maspero, 1980.
15. Lucy Colman (1817-1891) Conférencière et militante pour lĠabolition de lĠesclavage et lĠégalité des femmes, contre le racisme et la discrimination (notamment dans les écoles où elle enseigna), elle devint libre-penseuse et agnostique à la fin dĠune vie riche en rebondissements et en anecdotes savoureuses comme celle-ci: lors dĠune réunion du mouvement pour le droit de vote des femmes, face à une motion de Frederick Douglass qui affirmait candidement: « le sacrifice de soi est une valeur positive qui doit être enseignée à toutes les femmes», elle lui demanda: «Pourquoi nĠavez-vous pas appliqué vous-même cette vertu lorsque vous étiez esclave?» Et la résolution de Lucy Colman, qui prônait le droit des femmes à «ne plus croire en lĠautorité mais en leur seule raison», fut adoptée sans problèmes.
16. Free Soilers: membres du Free Soil Party. Fondé en 1848, ce parti sĠopposait à lĠextension de lĠesclavage dans les nouveaux territoires et à lĠadmission des États esclavagistes dans lĠUnion.
17. Harpers Ferry, arsenal que tenta de prendre John Brown et qui marqua la fin de son combat.
18. National Grange of the Patrons of Husbandry: association de fermiers créée en 1867 et qui prit de lĠampleur après la crise agricole de 1873, durant laquelle les prix agricoles chutèrent considérablement. La Grange était organisée en sections où les femmes étaient admises à égalité avec les hommes. Les Grangers luttaient contre lĠendettement et les tarifs de fret élevés pratiqués par les compagnies de chemin de fer. Le mouvement fut important dans lĠIowa, le Minnesota, le Wisconsin et lĠIllinois où des lois furent votées en faveur des agriculteurs, mais balayées par le lobbying des chemins de fer auprès de la Cour suprême. Le mouvement atteignit son apogée en 1875, regroupant près de 20 000 membres, puis déclina au profit dĠautres forces comme le Greenback Party des années 1870, les Farmers Alliances des années 1880 et le Populist Party des années 1890. La Grange montra que les fermiers pouvaient sĠorganiser et avoir un rôle politique.
19. La Southern Farmers Alliance fut fondée au Texas en 1875 et la Northern Farmers Alliance à Chicago en 1880. Les coopératives quĠelles créèrent firent faillite et les Alliances se tournèrent vers la politique politicienne pour former le PeopleĠs or Populist Party, parti qui réclamait à la fois le droit de vote des femmes et lĠarrêt de lĠimmigration, dénonçait la ploutocratie («les banquiers, les actionnaires, les grandes sociétés capitalistes») mais aussi les Noirs, les Juifs et les catholiques (!), et qui réclamait la journée de 8 heures. Le populisme est une des plaies de la vie politique américaine, comme en témoigna encore la campagne de Clinton en 1992 qui prétendit «défendre en priorité les intérêts du peuple» Ñ avec le résultat catastrophique que lĠon connaît.
20. Knights of Labor. Organisation au départ clandestine, fondée en 1869 et qui regroupa jusquĠà 700 000 «producteurs»: ouvriers, petits commerçants et paysans. Son objectif était de remplacer le capitalisme par des coopératives ouvrières. Son influence déclina à partir de 1886.
21. Francisco Madero (1873-1913). Gros propriétaire foncier, adversaire de Porfiro Diaz, il est soutenu par Pancho Villa. Elu président de la République en 1911, il est renversé par un coup dĠEtat militaire deux ans plus tard et assassiné.
22. Aristide Briand (1862-1932). Avocat et journaliste, partisan de la grève générale, il devient secrétaire général du Parti socialiste français quĠil fonde avec Jaurès, en opposition aux guesdistes du Parti ouvrier français. Hostile aux décisions de la Seconde Internationale qui interdisent, en 1904, aux députés socialistes de devenir ministres, il quitte le Parti socialiste unifié, puis la SFIO. Il sera 25 fois ministre et 11 fois président du Conseil! Il réprime la grève des cheminots en 1910. Avant la Première Guerre mondiale et entre les deux guerres, Briand est lĠincarnation parfaite, jusquĠà la caricature, du socialiste qui trahit tous ses idéaux.
23. Algernon Charles Swinburne (1837-1909). Bien quĠil fût dĠorigine aristocratique, ce poète romantique anglais était républicain et antichrétien. Il dénonça tous les despotes de son époque, du tsar au pape, en passant par le Kaiser.