Calendriers.htm

A.B.C.
LES CALENDRIERS DU PASSÉ :
le romain, le républicain
La Brochure Mensuelle n° 145 — janvier 1935

AUX LECTEURS

«Le présent engendré du passé est gros de l'avenir» a écrit Leibniz (1646-1716). Évidence qui paraît niaise, vraie lapalissade, qui nous empêche souvent de peser les mots, de rechercher leur histoire dans celle des mœurs, des usages, des opinions.

Chaque jour, le journal nous annonce que les députés ont renvoyé telle questions aux «calendes grecques». Or, les Grecs n'ayant jamais eu de «calendes», cela veut dire qu'ils ont enterré à jamais la question.

Par contre, les Romains avaient des calendes, les premiers jours du mois, jours fixés pour le paiement des dettes. Pour eux, payer aux «calendes grecques» voulait dire : ne jamais payer.

Des calendes romaines à nos jours, de leurs mois aux nôtres, de leurs fêtes à nos fêtes, c'est toute la question du calendrier qui se pose.

Question très complexe, vieille comme le monde. C'est la question du «temps» qui ne se mesure pas en soi, puisqu'il est infini, mais que les hommes veulent limiter pour leurs besoins de tous ordres.

Dans tous les pays et de tous temps, les hommes ont été frappés par la nature : le jour, la nuit, le soleil, la lune. La lune a permis de nombreux calendriers avec des mois de durée variable. Ensuite, on s'est servi de la lune et du soleil pour combiner d'autres calendriers solaires basés sur le temps que met la terre pour tourner autour du soleil, cet astre dont dépend toute notre vie.

Ces premiers calendriers solaires furent donc bien païens, on peut même dire d'un bout du monde à l'autre bout, puisqu'alors la terre était considérée comme plate, avec le soleil tournant autour. Mais les chrétiens adoptèrent le calendrier dit Julien (de Jules... César) jusqu'en 1582, date où le pape Grégoire — grâce à un astronome — raccourcit l'année trop longue et fit adopter le calendrier grégorien.

Nous le subissons encore aujourd'hui malgré ses anomalies : par exemple Pâques est trop tôt ou trop tard, parce que la nature ne suit ni le pape ni les savants. «L'Église, a-t-on dit, est une borne qui recule au fur et à mesure que la science avance». Avouons qu'en matière de calendrier, pour le profit de ses fêtes, l'Église nous asservit, et qu'il serait nécessaire de secouer ce joug qui, bien que séculaire et soutenu par les savants, est stupide.

Une seule tentative se fit, à la suite de la révolution française de 1789, et moins encore pour corriger les défauts du calendrier catholique que pour substituer à l'ère chrétienne une ère nouvelle dite républicaine. Cette ère chrétienne, c'est Charlemagne, dévoué au pape, qui la fit adopter en 800 seulement et depuis, on a reconnu que le Christ serait né 4 ans avant l'ère à laquelle on a donné son nom.

L'année sur laquelle on se base pour corriger le calendrier importe peu ; l'essentiel, c'est d'évaluer le temps de telle façon que les mêmes phénomènes (par ex. : Noël) se reproduisent aux mêmes dates. Or, l'ère républicaine fut fixée au 22 septembre 1792, jour de la proclamation de la 1ère République en France, surlendemain de la victoire de Valmy et justement, le soleil arrivait à l'équinoxe vrai d'automne (les 2 pôles nord et sud de la terre étaient, ce jour-là, à une égale distance du soleil, et la lumière solaire éclairait tout juste une moitié de notre terre, donnant ainsi des jours égaux aux nuits, d'où équi, égal ; nox, nuit).

Romme, le conventionnel montagnard, avait préparé cette réforme avec de nombreux savants : l'ère républicaine se baserait sur le soleil qui conditionne la vie terrestre et sur la république qui devait l'organiser. Il avait choisi les noms des 12 mois :

    République — Unité — Fraternité
    Liberté — Justice — Égalité
    Régénération — Réunion — Jeu de Paume
    Bastille — Peuple — Montagne

Il faisait ainsi du passé table rase, et remisait au grenier les dieux comme Mars et les déesses comme Vénus (avril), Maïa (mai), Junon (juin) ; il s'appuyait sur les événements vécus par les gens et surtout il mettait dans les crânes les mots-forces qui pourraient forger une vraie république.

Un poète vint : Fabre d'Églantine, l'auteur de «Il pleut ! il pleut bergère». Sa dénomination des mois fut adoptée :

    Automne (vendémiaire, brumaire, frimaire) ;
    Hiver (nivôse, pluviôse, ventôse) ;
    Printemps (germinal, floréal, prairial) :
    Été (messidor, thermidor, fructidor).

«Il résulte de ces dénominations, dit-il, que, par la seule prononciation du nom des mois, chacun sentira parfaitement trois choses et tous leurs rapports : le genre de saison où il se trouve, la température et l'état de la végétation.»

C'est peut-être éducatif pour des gosses, mais c'est souvent faux : pas toujours de neige en «nivôse» et la moisson se fait toujours plus tard qu'en «messidor».

Œuvre donc de poète, mais œuvre naturaliste. Le 22 septembre 1792 devint donc le 1er vendémiaire de l'an I. Les mois étaient tous de 30 jours divisés en 3 décades (de 10 jours) portant chacune les noms de primidi (1er jour), duodi, tridi, quartidi, quintidi, sextidi, octidi, nonidi, décadi (10ème jour). Pour faire l'année complète, on ajoutait 5 ou 6 jours dits «sans-culottides».

Ce calendrier républicain fut appliqué jusqu'au 1er janvier 1806. Napoléon Ier qui sut garder prisonnier à Fontainebleau le pape Pie VII sut en même temps sacrifier ce calendrier à la cour de Rome ; question de bascule. Après 13 ans, on revint au calendrier grégorien de 1582 et on y est encore.

Dans cette étude, nous comparerons les dénominations «romaines», «républicaines» et «actuelles». Notons de suite qu'il n'y a pas concordance entre le premier mois (vendémiaire va du 22 septembre au 23 octobre) et octobre. Pour la commodité des explications, nous ferons comme si la concordance existait.


I. — JANUARIUS — NIVÔSE — JANVIER

Le calendrier «romain» primitif ne comptait que 10 mois, de mars à décembre, mois de 30 ou 31 jours.

C'est le roi romain Numa qui ajouta deux mois, dont le premier s'appela «Januarius» (au dieu Janus) et avait 29 jours.

Ce dieu «Janus», dieu romain, était représenté sur les monnaies avec un double visage. Il avait un temple à Rome : quand les portes en étaient fermées, c'était la «paix» ; quand elles étaient ouvertes, c'était la «guerre». Elles ne furent fermées, dit-on, que 9 fois en 1.000 ans ; époques de guerre comme aujourd'hui.

Les Romains n'avaient pas nos semaines, importées d'Orient par le christianisme. Ils avaient les «calendes», les «nones» et les «ides». aux calendes, début du mois, on «appelait» le peuple pour lui faire connaître les jours fériés.

Aux calendes de «Januarius», on lui parlait du dieu Saturne qui, ayant été l'hôte de Janus, en avait appris l'art agricole ; aussi on le conviait aux fêtes dites «saturnales».

Ce jour-là, les classes sociales se confondaient : l'esclave était servi par le maître, il y avait vacances pour les écoles et pour les tribunaux, les guerres cessaient, les esclaves coiffés du bonnet d'affranchi faisaient un cortège, on décidait la remise des loyers, on distribuait des cadeaux, et c'étaient des festins orgiaques.

L'esclave-maître-d'un-jour ! voilà ce que nous n'avons même pas dans notre France-démocratique-capitaliste. Pourquoi ces usages romains ? Voyons un peu si les légendes antiques nous éclaireront.

Saturne, selon la mythologie, était fils du Ciel et de la Terre, mais condamné à dévorer ses enfants (Jupiter, Neptune, Pluton, Junon), il engloutit une pierre à la place de Jupiter et celui-ci parvint à le chasser du ciel. Saturne se réfugia chez Janus, roi des Latins, qui lui donna le «don» de voir et le passé et l'avenir (d'où ses deux visages et le nom grec : chronos ou temps). Il fit régner, dit la légende, la paix et l'abondance par l'agriculture, d'où cette période, hélas mythique, dite «âge d'or» et aussi ces fêtes où l'esclave était roi d'un jour.

La cathédrale d'Amiens a un médaillon représentant Janus à table entre le passé et l'avenir, l'année qui se termine et celle qui vient. Image païenne au service du cagot.

Lorsque les hommes auront étudié le passé, ils forgeront eux-mêmes leur avenir, sans se soucier des Janus-Prospérité capitaliste, des Janus-Pénitence prolétarienne : ni dieux, ni maîtres, mais plus d'esclaves-ouvriers-paysans. C'est en ce sens que «le temps est un grand maître», à condition de le bien employer.

En ce début d'année, en de januarius-Janvier (le nivôse républicain, à cause de «la neige qui blanchit la terre»), en ce mois qui s'est appelé Liberté, selon Romme, nous souhaitons que les hommes ne soient pas des Janus, n'aient qu'un seul visage, un seul front, pour lutter contre toutes les forces du passé et forger leur avenir.


II. — FEBRUARIUS — PLUVIOSE — FÉVRIER

C'est encore le roi Numa qui, au calendrier romain primitif de 10 mois, ajouta celui de «Februarius», mois de 28 jours.

C'était le mois des morts avec des fêtes dites «fébruales». Ce roi Numa (en gec : loi) est peut-être symbolique. Il eut, dit-on, un esprit pacifique en opposition avec l'esprit guerrier de son prédécesseur : Romulus, fondateur de Rome. Mais la paix succède à la guerre, comme le plaisir succède à la douleur, et tout est «relatif» dans l'histoire actuelle comme dans la légende.

Ces fébruales avaient lieu, dit-on, de nuit (emblème du tombeau) à la lueur des torches. Tous les temples étaient fermés pendant ce culte nocturne. On consacrait le mois des purifications personnelles en plus du culte des mânes.

Les mânes, c'étaient les âmes des morts et surtout les esprits favorables, bienveillants. Ils habitaient sous terre et l'entrée était fermée par une pierre. On leur sacrifia d'abord des victimes humaines, puis on fit combattre des gladiateurs aux fêtes, enfin ce ne furent que des offrandes. Pour écarter les esprits malfaisants, on plaçait une lampe allumée, des fèves, des objets.

Depuis tant de siècles, le culte des morts n'a guère changé. Les morts dominent les vivants : religion et patrie ont leurs prêtres pour organiser cette domination. Les vivants semblent accentuer l'amour pour leurs morts par des pompes et ses simagrées comme s'ils voulaient, à l'avance, s'assurer pour leur propre mort, afin d'avoir encore plus de pompes et de simagrées.

Quant aux purifications, c'est compréhensible : après ce contact avec les morts, il faut reprendre goût à la vie, à la santé du corps et de l'âme. C'est instinctif depuis toujours, mais toutes les religions ont ritualisé cela pour... en tirer profit. Chez nous, la fête catholique dite Purification a même origine.

La cathédrale d'Amiens a un médaillon, dans la série des mois, qui représente un vieillard semblant sécher au feu ses vêtements mouillés.

Fabre s'en souvint peut-être lorsqu'il dénomma «pluviôse» ce mois romain, parce que, disait-il, «les pluies tombent généralement avec plus d'abondance de janvier à février.»

N'oublions pas que Pluviôse chevauchait de janvier à février, que Pluviôse prévalut sur le nom trouvé par Romme : «Justice», et que, si la pluie est de la nature et tombe toute seule, la justice ne pourra être que l'œuvre des hommes oubliant les morts pour penser aux vivants.


III. — MARTIUS — VENTÔSE — MARS

Le mois de «Martius», premier mois du calendrier romain primitif, avait 31 jours.

Pour un peuple agricole comme celui des Romains, il fallait un dieu agricole. Martius l'était : il réglait les saisons.

Pour un peuple que ses chefs voulaient rendre conquérant, il fallait un dieu guerrier. Martius était le dieu de la guerre.

Selon la légende, Martius (ou Mars) eut, de sa femme, Rhéa, deux fils : Romulus et Rémus, qui furent mis dans un berceau flottant sur le Tibre, fleuve d'Italie. Devenus hommes, grâce à une louve qui venait les allaiter, ils fondèrent Rome (cité de Romulus). Mais Romulus tua son frère Rémus et resta seul roi.

Or, Rome, la ville dite éternelle, est la résidence actuelle du Pape et de Mussolini. Sans Moïse, un autre «sauvé des eaux» du Nil où il voguait sur un berceau, sans ce Moïse qui recueillit de Dieu le décalogue (table des dix lois dont l'une dit : «Tu ne tueras point»), sans Moïse, le Pape n'aurait pas pu rencontrer le César de Carnaval, Mussolini, et se mettre sous le signe de Mars, le dieu guerrier, que servent et les catholiques et les fascistes.

Les temples dédiés à Mars étaient nombreux à Rome. On lui sacrifia des hommes puis des animaux. Mais la roue de l'infortune tournant contre les pauvres, au profit des curés et des munitionnaires, en Italie comme partout, on s'y prépare à lui sacrifier toute la jeunesse actuelle, du ballilla à l'avantguardiste.

Il y avait, jadis, des fêtes pour Mars ; les femmes en étaient exclues. La tradition s'est perdue ; Paul-Boncour, comme Mussolini, sont de leur siècle de progrès : ils mobilisent les femmes. On gardait jadis le bouclier de Mars tombé du ciel ; on garde aujourd'hui les armes, les avions et hydravions de Balbo pour la guerre en masse dans l'air. Il n'y avait qu'un seul «champ de mars» pour s'exercer aux armes ; le progrès en a fait installer des milliers partout.

Mars était représenté par un loup ou un cheval, tantôt par un homme avec deux lances. Autre temps, autre mode : le futuriste Marinetti, super-fasciste, pourra faire un dieu Mars avec le «groin de cochon» portant, en guise de faisceau, des tubes de gaz et de microbes, et, sur le socle, sa légende : «Il faut détruire pour créer.»

Il y avait jadis des cortèges pour Martius ; les divinités le suivaient et parmi elles : Bellone (furie guerrière), Virtus (courage), Honor (honneur), Sécuritas (la sécurité, vieux bobard modernisé), Victorius (victoire) et Pax (paix)... en dernier.

Actuellement, et depuis quinze ans, on a transporté toutes ces antiquités à Genève. La France a chargé successivement Briand, Paul-Boncour, Barthou et Laval, de rendre un culte à Sécuritas : la sécurité avant tout. Aussi «ventôse» souffle.

La Ière République avait rejeté la proposition du conventionnel Romme : mars deviendrait «égalité» et avait adopté «ventôse». Depuis, la IIIème République a tellement soufflé le vent qu'elle récoltera la tempête : Mars se réveille partout et les munitionnaires de tous les pays veulent aussi Égalité, c'est-à-dire, l'égalité des armements, le surarmement général.


IV. — APRILIS — GERMINAL — AVRIL

Le mois romain primitif s'appelait «aprilia» (du latin : ouvrir) ; l'année s'ouvrait, la terre ouvrait son sein. Jusqu'au XVIe siècle, l'année commença en avril.

Les Romains avaient consacré ce mois «aprilis» à Vénus, la déesse gracieuse de l'amour, de la fécondité. Ses temples étaient nombreux à Rome et ses noms plus nombreux encore : Vénus-mère, Vénus-plaisir, etc.

Elle était d'origine asiatique, croit-on, et avait de nombreux ancêtres. Mias on ne peut trouver les traces des légendes que dans les poèmes qui subisitent comme ceux d'Homère le Grec, dans les statuesz grecques retrouvées mêzme en Italie, puisque les Romains avaient à leur service les sculpteurs grecs.

Aphrodite aurait été la «première Vénus», née de l'écume de la mer ; mal mariée par son père Zeus, le dieu des dieux, elle tourna mal et fit l'amour, non seulement avec des dieux, mais aussi avec des mortels (le bel Adonis), eut des aventures et... des efnants (hermaphrodites, ayant les deux sexes, homme et femme à la fois).

La ceinture d'Aphrodite était d'un charme irrésistible : le sex-appeal d'aujourd'hui. C'est elle que la courtisane Thaïs invoque au théâtre afin qu'elle lui assure une... «beauté éternelle». C'est elle qu'on nommait Aphrodite-hétaïre (courtisane). Mais il y avait l'Aphrodite aux belles-fesses (callipyge) et bien d'autres encore.

Tout ceci dit pour bien comprendre comment les légendes évoluent d'un pays à l'autre, sortent de la terre ou des eaux selon que les gens vivent ou loin de la mer ou près du rivage, et puis, passent de bouvhe en bouche, ou sont réalisées par les poètes et sculpteurs dans des œuvres plus ou moins fantaisistes, ou se maintiennent dans le populaire et dans la classe dite savante, sans qu'on puisse en suivre le fil conducteur.

«Coup de pied de Vénus», dit-on familièrement pour parler d'une maladie vénérienne. La cantharidine, extraite de l'insecte cantharide, est un excitant génital, un «aphrodisiaque» dit le médecin. Ces deux exemples suffisent à vous montrer combien nous sommes sous le joug des mots qui viennent eux-mêmes des légendes les plus anciennes.

Mais passons à un autre ordre d'idées. C'était en cette période de l'année que le soleil passait dans la constellation d'étoiles dite des «Poissons». Or, l'année, jusqu'en 1563, commençait en avril ; on donnait alors les étrennes (les vraies). Mais lorsque l'édit royal fit débuter l'année en janvier, on garda l'habitude, en avril, de donner des étrennes (devenues les fausses), des cadeaux, les «poissons d'avril».

La Ière République adopta le nom de «germinal» parce que, disait Fabre, c'est «le mois de la fermentation et du développement de la sève». Il y a donc concordance sur la base naturelle entre avril et germinal si l'on s'en tient à l'idée «ouvrir» et «germer» et entre ces deux mots et le nom «Régénération» proposé pour ce mois pr le conventionnel Romme.

Sous l'apparence des mots d'origine grecque ou latine et plus ou moins francisés, il y a le vrai grain des choses. Pour une fois, nos ancêtres lointains avaient bien compris que tout vient de la nature, que la caresse solaire dominait les plantes, les animaux et les humains de la même manière, poussait les espèces vivantes à germer, s'accoupler, se reproduire et que les dieux masquaient ces réalités.


V. — MAÏUS — FLORÉAL — MAI

Nous disons «mai». Les Romains disaient «maïus». Les républicains adoptèrent «floréal» et abandonnèrent «Réunion» proposé par le montagnard Romme en souvenir de la réunion des États Généraux de 1789.

Y a-t-il un rapprochement d'idées entre mai, maïus et floréal ? On voit bien que «mai» est une réduction de «maïus». Mais entre maïus et floréal, y a-t-il idée commune ? Voyons un peu.

La mythologie hindoue, donc antérieure aux Romains, donne maïa comme la personnification féminine du principe créateur. La mythologie grecque, toujours antérieure aux Romains, fait de maïa la femme de Zeus, le dieu des dieux : elle devient mère et consent à élever un autre enfant de son mari infidèle.

Chez les Romains, la «Maïa» ou «Maja» ou «Majestas» est la déesse de la croissance. Aux calendes de mai, on lui sacrifiait une truie. Mais ce mois de Maïus était aussi sous la protection d'Apollon, un dieu gréco-romain dont la légende est très curieuse, et comme tel représenté par un homme portant une corbeille de fleurs. Retenez-le bien et songez à floréal».

Toujours à Rome, on cénébrait vers avril-mai les «floralies», les fêtes de Flore la déesse, fêtes champêtres et populaires (on se jetait des grains, symbole de la fécondité), fêtes parfois érotiques (on poursuivait à la course des animaux lascifs comme la chèvre et le lièvre).

Le cycle naturel est fermé : du principe créateur à la mère éleveuse, de la fécondité à la croissance. Et la fleur (floris, d'où floréal) est bien l'exemple le plus simple de ce cycle, celui que chaque père ou mère dignes de ce nom devrait montrer à ses enfants : la graine qui germe, la racine, la tige, la feuille, la fleur, le fruit... et la graine qui recommence.

C'est sur cette fleur qu'il faudrait s'arrêter longuement, souvent. Les papas-fleurs, comme des allumettes, avec leurs petits sacs poussiéreux (des bourses à pollen) sont tout autour d'un tuyau (avec des lèvres) qui est l'entrée de la maman-fleur. A l'autre bout de ce tuyau, il y a un ventre avec une matrice, des ovules ou bébés-fleurs.

Le pollen sur les lèvres, c'est le baiser créateur, c'est le don du papa-fleur et à la maman-fleur. Grâce à ce baiser, l'ovule devient graine : un petit bébé-fleur poussera tout comme un petit d'homme et de femme.

On peut même aller plus loin au fur et à mesure que les enfants grandissent. On peut leur montrer qu'en bouchant les lèvres du tuyau de la maman-fleur ou en mettant un sac en papier à cigarette sur les bourses à pollen du papa-fleur, il n'y a plus de fécondation possible : l'ovle de la maman reste œuf non fécondé, œuf analogue à celui de la poule qui n'a pas vu le coq.

Vous donnez ainsi une éducation anti-conceptionnelle florale qui a son analogie dans l'espèce animale et humaine.

Les chrétiens, malins, reconnaissons-le, ont mélangé toutes les légendes, toutes les traditions, pour s'adapter aux usages tout en les faisant servir à son profit.

C'est ainsi qu'ils firent la fête de «la vierge Marie» ou «sainte vierge mère de Jésus» qui, chacun le sait, devint mère sans cesser d'être vierge. Le saint esprit fut le père alors qu'il était pur esprit, donc sans bourse, sans verge et sans sperme.

Par contre et par contradiction sans doute, le «lis blanc» est la fleur choisie comme le symbole de la purté, comme la meilleure offrande à faire à la Vierge, cette impure d'entre les pures.

Or, s'il est bien une fleur qui montre bien tous ses organes, c'est bien ce lis : six belles étamines avec les bourses pendantes et le beau sperme-pollen jaune, autour de l'ovaire libre de la maman-fleur qui attend le don des mâles. Il faut croire que les catholiques s'en rapportent plus à la robe blanche qu'au reste : les organes génitaux de cette fleur. Raison de plus pour montrer à vos enfants ce mystère qui n'en est pas un.


VI. — JUNIUS — PRAIRIAL — JUIN

Mois de Junius disaient les Romains. La parenté du mot avec Juin éclate. Mais pourquoi Junius ?

C'était le mois consacré à «Junon». C'est toujours à la mythologie, la mère des religions, que nous recourons. Cette déesse était la fille de Rhéa et de Saturne (lui-même fils du ciel et de la terre — voir I). Elle se maria à Jupiter, son frère, qui devint dieu souverain du ciel et du monde. Cet inceste la fit reine du ciel, déesse de la lumière et du mariage, de la lune, des enfants, des bons conseils. On la représentait drapée, majestueuse, tenant un sceptre ou la foudre et parfois sur un char tiré par des lions. Ses temples étaient nombreux et ses cultes différents à Rome.

Reine du ciel, elle nous rappelle le soleil, la lumière, la vie qui sont à l'origine de toutes les religions. Le soleil, dans toutes les mythologies tient la plus grande place, il a donné aux hommes l'objet de toutes les superstitions (astrologie, théologie) et aussi de toutes les recherches scientifiques et la première de toutes, celel qui a enfanté toutes les autres sciences : l'astronomie.

C'est en ce mois de Juin, sans s'occcuper de Junon, qu'a lieu le solstice (de sol : soleil, et de stice : arrêt) dit solstice d'été. Ce phénomène mérite qu'on s'en occupe.

Mon maître d'école, à la campagne, nous faisait planter deux bâtons dans la cour. Il prenait une corde plus longue que la distance de ces deux bâtons, puis il attachait à chacun de ces bâtons et au pied cacune des extrémités de la corde. Cette corde, alors tendue, faisait un angle variant d'ouverture selon le point où on la prenait. Il prenait alors une grosse pointe de charpentier et, avec cet angle en corde, il traçait sur la terre, un rond allongé dit «ellipse» comme les jardiniers en font dans les jardins publics. Ceci fait, à la place d'un des bâtons, il posait une grosse balle qui figurait le soleil. Sur le contour de l'ellipse, il plaçait ne toute petite balle percée d'une aiguille à trociter : elle figurait la terre. L'un de nous faisait tourner cette terre toujours penchée par rapport au sol de la cour en suivant l'ellipse. Il nous faisait alors remarquer que l'équateur terrestre (une ligne à la craie, un cercle à égale distance des trous faits par l'aiguille) était, à un point donné de l'ellipse, à la plus lointaine distance du soleil et que ce moment-là s'appelait «solstice d'été» pour notre gégion terrestre.

Comme nous avions l'habitude, de l'école même, de repérer chaque jour : 1° le lever di soleil dès notre arrivée à l'école ; 2° l'ascension ; 3° le coucher du soleil avant notre départ de l'école, tout cela par rapport à un arbres de la cour et par rapport à notre horizon, nous constattions le phénomène que nous avions schématisé ci-dessus. Le soleil, en juin, semblait «s'arrêter» quelques jours.

C'est ce passage entre les deux saisons, le printemps et l'été, c'est ce plus long jour de l'année, où le soleil frappe le plus longtemps nos yeux, c'est cela qui retint l'attention des premiers hommes, vivant dehors, inquiets pour eux, pour leurs animaux, toujours effrayés par la nuit, le noir, mais jouissant à cette époque de la lumière.

Plus besoin maintenant de «Junon» puisque la science explique, plus besoin de «prairial» alors que les prairies et la fenaison sont inconnues des citadins. «Solstice» serait bien meilleur, si toutefois un tel vocable était capable de servir et l'été et l'hiver sans confusion dans les esperits, si toutefois les mois étaient bien limités.


COMPARAISON DES MOIS
ANNÉE ROMAINE ANNÉE RÉPUBLICAINE
Primitive 
10 mois
__________
modifiée
allongée
____________
rejetée
selon Romme
_____________
Fabre
Adoptée
__________
11 Jannuarius 4 Liberté 4 Nivôse
12 Februarius 5 Justice 5 Pluviôse
1 Martius 1 Martius 6 Égalité 6 Ventôse
2 Aprilis 2 Aprilis 7 Régénération 7 Germinal
3 Maïus 3 Maïus 8 Réunion 8 Floréal
4 Junius 4 Junius 9 Jeu de Paume 9 Prairial
5 Quintilis 5 Julius 10 Bastille 10 Messidor
6 Sextilius 6 Augustus 11 Peuple 11 Thermidor
7 September 7 September 12 Montagne 12 Fructidor
8 October 8 October 1 République 1 Vendémiaire
9 November 9 November 2 Unité 2 Brumaire
10 December 10 December 3 Fraternité 3 Frimaire
                        (1) les noms en italiques sont ceux venant des dieux ou déesses antiques
(2) Les noms en caractères gras sont ceux des empereurs.
VII. — QUINTILIS — MESSIDOR — JUILLET

Dans le calendrier romain primitif, ce mois était le cinquième de l'année, d'où le nom de «Quintilis» (quint : cinq). Mais, comme il y a désaccord entre la nature et le calendrier d'une part, et comme d'autre part Jules César voulait laisser son nom à quelque chose de plus durable que la conquête de la Gaule qu'il avait faite, il changea «Quintilis» en «Julius», son prénom, et fut ainsi le père du calendrier dit julien. Nous verrons que ce précédent impérial eut des suites. De Julius on passa plus tard à Juillet que nous gardons encore, alors que nous aurions pu dire «Bastille» comme le désirait Romme en souvenir du 14 juillet révolutionnaire, ou même «Messidor», comme nos pères le dirent de 1792 à 1806.

Fabre avait trouvé «Messidor» parce que «les épis ondoyants et les moissons dorées couvrent les champs de juin à juillet.» N'oublions pas que le solstice était le 1er messidor (21 juin) et que Messidor comprenait 3 décades de 10 jours. Mais d'où vient ce mot «messidor» ?

De «messis», en latin : moisson, et de «doron», en grec : présent. C'est le mois des moissons qui commencent, des chaleurs qui se préparent, grâce à la position de la terre par rapport au soleil.

Ce mot semble donc convenir à cette époque, en France, car ce n'est pas exact pour tout l'univers. En effet, l'époque de la moisson est très avariable. Le climat, la température de l'année, la composition du sol, son exposition, etc., font varier cette époque en France et même dans une région donnée. En somme, on fait la «moisson» quand le grain est mûr, ne s'écrase pas, peut se couper à l'ongle. Mais quel grain ? blé ou maïs ? et même quelle variété de semence ?

Ce n'est donc qu'une exactitude toute relative. Un calendrier ne doit avoir d'autre base que le soleil et les hommes qui peinent pour manger. Le mot «moisson» vaudrait bien mieux que «messidor», de formation savante. Il faudrait redevenir simples, délaisser les étymologies, abandonner les allégories, rester des hommes qui luttent pour se protéger de la nature ou l'asservir.

Pour certaines gens, l'art consiste à tout spiritualiser. Ils se pâment devant la «Cérès des moissons», une femme-déesse qui de ses mains ne pourrait rien faire. Voyez les sculptures, les peintures la représentant. Le seul art, le vrai, c'est celui des sculpteurs du moyen âge (le médaillon d'Amiens représente un moissonneur avec sa faucille), c'est celui de Lhermitte (tableau représentant le faucheur et sa faux), c'est celui des films documentaires (des mécaniciens actionnant les machines à moissonner).

L'Église, héritière de tout ce qui est faux, orne ses églises, ses murs intérieurs, ses autels, de plâtres traités faussement. Elle reste dans sa logique, puisqu'elle veut abêtir et non éduquer le peuple. Elle bénit l'eau, le buis, la mer, les moissons, les bateaux, les chiens, ses plâtres. C'est la grande moisson qui ne lui coûte aucun effort, qui lui rapporte gros : elle bénit messidor-juillet qui lui donne aujourd'hui le «blé eucharistique».


VIII. — SEXTILIS — THERMIDOR — AOÛT

Les premiers Romains disaient «sextilis», de sex : six (6° mois). Jules César ayant créé un précédent (voir 5° mois), plusieurs de ses successeurs songèrent à avoir «leur mois». On aurait pu avoir «Tibérius», «Néronius», «Commodius». L'empereur Augustus seul y parvint. Mais à l'usage, son mois devint «august», puis par corruption nouvelle, «août», qui est resté.

Si «le rêve des poètes est de devenir des dieux», dit un personnage de «Louise», opéra de Charpentier, la volonté des empereurs ou dictateurs est de se faire déifier de leur vivant ou à défaut sitôt leur mort.

L'empereur Auguste, de son vivant, assista au «culte du génie d'Auguste». Après sa mort, et partout, dans l'empire, un culte fut organisé comme pour un dieu.

Notre empereur français, Napoléon Ier, n'avait pas de «patron» dans le calendrier romain ; c'était ennuyeux pour un ambitieux ! Tout jeune, il déclairait que Napoléon était le nom d'un saint corse. Moins heureux qu'Auguste, dont il copia bien des initiatives, il ne décréta qu'une seule chose en matière de calendrier : le jour de sa naissance, le 15 août, serait «sa fête» et pednant tout l'empire on la célébra publiquement.

D'ailleurs, c'était aussi et avant, une fête d'église, l'Assomption, celel de Marie, mère du Sauveur Jésus, qui monta au ciel comme lui. La fête de l'empereur est morte et celle de Marie se meurt.

Après toutes ces augustes grandeurs, ces ambitieux gugusses, revenons à Thermidor. Mot encore savant : de thermi, en grec, chaleur ; et de doron, en latin : présent. C'est le mois des chaleurs, de la canicule. Le fait «soleil» revient encore avec tout son système : astres, étoiles, constellations.

Le soleil semble parcourir en un an une zone qui comprend douze constallations d'étoiles. Or, il était une époque, autrefois, où le soleil se levait et se couchait exactementavec la constellation dite du Grand Chien (d'où canin et canicule) : c'était alors l'époque des très grandes chaleurs, excessives pour l'Égypte, par exemple, du 22 juillet au 23 août. Mais, par un phénomène très difficile à expliquer, ce lever Grand Chien-Soleil a lieu maintenant au début d'août et on continue à appeler «canicule» ou «jours caniculaires» (1) les jours où le soleil passe dans la constellation dite du «Lion».

Thermidor, assez exact, employé pendant treize ans, voulait dire plus que «Peuple» proposé par Romme et non adopté, et beaucoup plus que «Août» qui évoque un empereur que personne ne connaît.


IX. — SEPTEMBER — FRUCTIDOR — SEPTEMBRE

«September», le septième mois de l'année romaine est devenu le «septembre» de notre année (alors qu'il est le 9° mois) a été le «fructidor» du calendrier républicain, à cause, disait Fabre, «des fruits que le soleil mûrit d'août à septembre».

Mot savant, mais de compréhension facile : fructi : fruit ; dor, don. Les arbres, cause principale : le soleil, donnent leurs fruits. Ce Fructidor allait du 18 août au 22 septembre.

Un problème curieux se pose. Chez nous, en France, on parle de quatresaisons : printemps, été, automne, hiver. Messidor, thermidor et fructidor formaient l'été. Mais en a-t-il toujours été ainsi ?

Les peuples de l'extrême nord, à cause de la position penchée de la terre, n'ont encore que deux saisons : hiver et été, les extrêmes. Les peuples pasteurs de l'hémisphère nord ne parlèrent longtemps que de trois saisons, les extrêmes bien senties, et une troisième intermédiaire ou printemps ; pour eux, la belle saison se terminauit à la rentrée des troupeaux pour l'hivernage.

Ce n'est que lorsque la culture de la vigne prit de l'extension qu'une quatrièmesaison, l'automne, fut intercalée entre l'été et l'hiver.

Tout change donc au fur et à mesure que l'homme divise le temps qui, comme nous le disions au début, est in-mesurable. Tout n'est que convention entre les hommes, hgormis ce qu'apporte la science.

Or, celle-ci n'est pas arrivée à connaître tout, son progrès restant indéfini. C'est là d'ailleurs toute sa valeur et toute sa force et, par constraste, c'est toute la faiblesse des religions qui se basent sur des vérités dites révélées, des dogmes figés, des fondements faux parce qu'immuables.

La vérité d'hier est erreur aujourd'hui. La terre n'est plus plate comme on le pensait autrefois. La terre tourne, bien qu'un concile ait condamné Galilée pour l'avoir osé décalrer. Le soleil a de nombreux mouvements. La terre a beaucoup plus de 4.000 ans, quoi qu'en dise la Bible.

La religion est bien l'opium du peuple, mais elle ne le sera pas éternellement si... nous savons le comprendre et le faire comprendre. Cueillons donc les fruits de la science, soyons rationnalistes, vendangeons, faisons profier enfants, parents, amis, de nos grapillages. N'oublions jamais ceci : «l'église est une borne qui recule au fur et à mesure que la science avance.»


X. — OCTOBER — VENDEMIAIRE — OCTOBRE

Rappelons ce que nous écrivions au début : le 1er vendémiaire, jour vrai de l'équinoxe d'automne, commença le 22 septembre 1792 (1er jour de l'an I républicain). Ce mois se termina le 22 octobre et ne correspondait ni avec le mois «october» (8° de l'année romaine primitive), ni avec notre mois actuel octobre (10° de l'année grégorienne).

L'automne, ordinairement, commence le 22 septembre et finit le 21 décembre. Ces deux dates ont une base solaire. La première est l'équinoxe d'automne : les jours sont d'abord égaux aux nuits, puis ils vont — pour notre hémisphère nord — en décroissant jusqu'à ce que le jour soit le plus court et la nuit la plus longue, c'est à dire la seconde date ou solstice d'hiver.

Tout ce que nous avons essayé d'expliquer pour le solstice d'été pourrait se refaire pour le solstice d'hiver.

Quelques vieilles horloges publiques, entièrement ou partiellement astronomiques comme on les appelle, sont un cadran spécial dit du zodiaque, figurant les douze constellations d'étoiles que le soleil semble parccourir en un an : Verseau, Poissons, Bélier, Taureau, Gémeaux, Cander, Lion, Vierge, Balance, Scorpion, Sagittaire, Capricorne. Ce serait toute une étude à faire pour comprendre comment les anciens ont d'abord vu dans le ciel ces constellations stellaires, puis appliqué aux formes vagues des images moins vagues bien qu'imprécises.

Sachons seulement que l'automne commence au moment où le signe dit «Vierge» disparaît du cadran, puis on voit le signe «Balance», l'automne finissant lorsqu'apparaît le signe «Capricorne». Bien entendu, l'automne n'ayant pas, disent les astronomes, de durée constante, les rouages mécaniques ne donnant que des constantes, il vaut mieux examiner le ciel qu'un cadran zodiacal.

Mais revenons à Vendémiaire, 1er mois d'automne, qui vient de vendemia, en latin : vendanges. La vigne, les vednanges, le vin, c'était l'occupation antique par excellence, celle des Romains. C'est Dionysos, le dieu qui, selon la légende cultiva le premier la vigne et but du vin. Selon la Bible, c'est Noé qui planta des vignes et but beaucoup de vin. quant à Bacchus, l'ancêtre, sa légende est amusante.

Bacchus trouva un jeune plant de vigne et le mit dans un os d'oiseau. La plante grandissant, il la mit dans un os de lion. Celui-ci devenu trop petit, il plaça la vigne dans un os d'âne. Comme vin se dit en grec : oinos, certains se demandent si avec les deux noms de ce dieu du vin, Bakkhos-Dionysos, on n'a pas fait un jeu de mots. Les légendes n'ont parefois que cette simple cause.

Vendémiaire n'a de valeur que pour une partie de la France actuelle. Mais le climat a changé. Au XVI° siècle, par exeeple, il y avait des vignes en Normandie, au point qu'on offrait un petit baril de crû local au curé à chaque mariage. Ce temps-là est fini. Mais qui sait si dans 4 siècles, le vin n'aura pas déserté le midi.

Le mot «République» choisi par Romme, aurait-il sa valeur aujourd'hui comme en 1792. Ce n'est plus qu'un mot ; après 143 ans, la chose est toujours à venir


XI. — NOVEMBER — BRUMAIRE — NOVEMBRE

November (9° mois de l'année romaine primitive) et novembre (11° mois du calendrier grégorien actuel ont même origine étymologique : novem, neuf.

November était logique dans l'année romaine puisque mars était le 1° mois de l'année. Lorsque Numa ajouta deux mois : januarius, februarius, ce fut aussi logique de garder «november» puisque les deux mois ajoutés devinrent les derniers mois de l'année romaine. Ce fut illogique lorsqu'on plaça le début de l'année en avril, puisque novembre était le 8° mois. Ce fut aussi illogique de garder le vocable «novembre», lorsque l'année commença en janvier, puisque novembre devint le 11° mois.

Mais la logique ne dirige pas plus les calendriers que la raison ne dirige l'homme. Les Romains qui nommèrent leurs mois d'après les dieux ou déesses (mars, mai, juin, janvier), auraient pu continuer la nomenclature divine, puisque leur panthéon était archi-comble et accueillait tous les dieux des pays conquis. Ils ont changé et terminé par la numération (quintilis, sextilis, september, october, december). Et nous autres, Français, nous suivons leur illogisme et leurs variations dans le calendrier comme dans le code.

Et l'illogisme romain était d'autant plus grand que ces mois, basés sur l'ordre numérique, étaient tout de même consacrés par les Romains à des divinités qui, elles, avaient des rapports plus ou moins clairs, certes, mais rapports tout de même avec les astres, avec la nature sensible et visible.

C'est ainsi que «November» était consacré par les Romains à Diane. La Diane romaine était la copie de l'Artémis grecque, elle-même copie de l'Artémis persique. Mais ces trois Diane avaient des carcatères communs : elles aimaient la chasse, les bois, elles poursuivaient les bêtes fauves. Leurs attributs favoris étaient : l'arc, les flèches et le carquois, et, parmi les animaux : la biche, le cerf. Les statues antiques font de Diane une chasseresse le plus souvent. On trouve aussi, à Rome, diane personnifiée sous les traits et le costume spécial d'un prêtre égyptien d'Isis. On peut le dire : Rome fut le bric-à-brac de tout le passé, comme la religion catholique est le ramassis de toutes les religions antiques qui l'ont précédée.

Fabre, le poète, disait de «Brumaire» ceci : «c'est le mois des brouillards et des brumes basses qui sont, si je puis m'exprimer ainsi, la transsudation de la nature d'octobre en novembre.»


XII. — DECEMBER — FRIMAIRE — DÉCEMBRE

Décembre, notre douzième et dernier mois de l'année vient du «December» romain (10° mois de decem : dix en latin).

Il s'en est fallu de peu que ce mois eut un autre nom. Jules César et Auguste avaient bien changé le 5° mois (quintilis) et le 6° (sextilis) pour en faire juillet et août. Pourquoi l'empereur Commode n'aurait-il pas eu son mois comme ses prédécesseurs ? Il essaya, car il était galant, de faire passer à la postérité une de ses favorites. Il adopta, au lieu de December, le nom de «Amazone» à cause du costume de chasse qu'elle portait et qu'il contemplait souvent, puisque son portrait était dans un anneau qu'il avait au doigt. L'usage ne l'adopta pas.

Les empereurs ne sont pas toujours heureux ! Napoléon réussit à supprimer, en 1806, le calendrier républicain : brumaire, ce mot représentait alors un fait, le 18 brumaire, ou coup d'État qui résonnait mal à ses oreilles.

Pour Fabre, frimaire était «le froid tantôt sec, tantôt humide qui se fait sentir de novembre à décembre et allait appeler nivôse comme les frimas appellent la neige.»

Frimaire se terminait le 20 ou 21 décembre, au moment où le soleil entrait dans la constellation du Capricorne. La fin était le solstice d'hiver : l'hiver commençait avec nivôse, avec Noël.

Ce solstice d'hiver, ce fait solaire, nous ne le commenterons point, puisqu'il est l'analogue du solstice d'été. C'est la nature qui reprend ses droits pour l'homme qui veut l'étudier : d'abord, le jour plus court, la nuit la plus longue ; puis les jours qui augmentent sans cesse, fondant la neige (nivôse) qui préservait les grains, amenant les pluies (pluviôse), perturbant l'atmosphère (ventôse) et amenant enfin les grains à germer (germinal) qui annoncent le printemps ou régénération. Telle est la marche triomphante du soleil.


CONCLUSION

A la fin de cette étude, on comprend aisément que le Soleil ait été fêté aux cris de «Natalis» qui veut dire Noël, par les Latins, et, en toutes langues et de toutes les manières, par tous les êtres de tous les pays.

On comprend aussi que les dieux et déesses ne sont que des créations de l'esprit humain : les hommes veulent tout créer à leur image pour cacher la réalité, la nature sensible.

On peut admettre que le calendrier républicain de Fabre était un certain retour à cette réalité. Tout ce qui intéressait les hommes d'alors, sédentaires, surtout ruraux : le foulage des raisins en vendémiaire, les frimas, la neige, la pluie, le vent, la pousse des grains, les fleurs, les prairies, la moisson, la chaleur et les fruits ; tout y était énoncé en termes seulement trop savants.

Quant au projet de Romme, malgré son fil conducteur, il était trop abstrait pour convenir à tous les temps et à l'universalité humaine. Tous les vocables étaient des grues métaphysiques : république, unité, fraternité, justice, égalité, etc., etc.

République démocratique ou sociale,uniténationale ou européenne ou mondiale,fraternitéentre blancs ou entre toutes les races,justice de classe ou humaine, égalitéde naissance ou de droit, régénérationphysique ou morale selon la méthode religieuse ou naturelle. Ce sont là toutes les questions qui divisent les hommes.

Pour le temps qui fuit à jamais, s'il faut une convention entre humains pour le diviser, pour le désigner, c'est sur quelque chose d'universel qu'il faut nous baser : seuls, les astres le sont.

Revenons donc à la base solaire, à la base astrale pour notre hémisphère du moins. Déjà les noms des jours sont basés sur les planètes tourant autour du soleil. Faisons de même pour les mois, en demandant aux savants de rechercher ce qui facilitera la plus grande généralisation possible. Un seul principe devant les guider : pas de vocable religieux ou historiques car les religions et l'histoire sont destinées à mourir, des vocables simples, se basant sur la science destinée à toujours progresser.

Noël 1934.
(1) Cette explication en vaut une autre... En fait d'autre, il en est une plus simple : canicule viendrait du latin canis, chien, et culus, fondement, cul.
Quand on connaît Rome à l'époque des Romains (ben oui, maintenant ce sont des Italiens, voire même, paraît-il, des Européens, de la déesse (?) Europe... de eu... (bon, en grec) et ropa, robe... Bref, bien fringuée...), sans tout-à-l'égoût, mais avec quand même une représentation nationale (la Curie, ou le Sénat), donc deux puanteurs concomitantes, on peut penser que les jours de canicule (ou de campagne électorale), «Ça pue pire que le cul d'un chien»...
Il y aura donc quelques jours de canicule européenne en 2004...
(Note , unanime, pour une fois...)